SID CHEIKH ( page II )
Le régime sévère, l’abstinence, auxquels il s’était rigoureusement soumis, avaient provoqué chez lui des visions qui semblaient
le rapprocher de la Divinité ; il entendait des voix mystérieuses qui lui ordonnaient de prendre la direction spirituelle de tous ses serviteurs et d’en faire ses khoddam.
Déjà il ne semble plus appartenir au monde extérieur ; il devient évident qu’il se spiritualise et se rapproche de Dieu.
C’est à cette époque de sa vie qu’il convient de placer la vision que rapporte Sidi Amr-ben Kerim-Et-Trari.
Une nuit, Abd-el-Kader était en prière, et il méditait sur le néant des choses humaines, quand, tout à coup, il vitla voûte céleste
s’entrouvrir devant lui, et tandis qu’une douce lumière baignait des horizons de brouillard d’ordivisés par une sorte de voie
lactée d’une blancheur éblouissanteet d’argent, , un homme montrait aux créatures qui arrivaient de tous côtés ce chemin aussi
droit qu’il paraissait facile.« Quelle est cette voie, et quel est cet homme ? demanda-t-il au Prophète, qui venait de lui apparaître.
Cette voie est celle que tu indiqueras à tes serviteurs, et cet homme qui est là, c’est toi-même. »
Il se prosternait en signe de soumission, quand il aperçut venant à lui son grand-père Sliman, qu’accompagnaien tSidiAbou- Median-El-R’outs et Sidi Bou-Yeza-El-R’arbi.
Et, en désignant les créatures qui s’entrecroisaient sur cette voie sans direction, ils lui demandèrent :
«As-tu besoin denous, de notre appui, pour ramener ces égarés ? Votre appui mystique me suffira », leur
répondit-il.
C’est aussi vers cette époque que commença à se manifester son pouvoir
Mais de notre saint Prophète, de Sidna-Mohammed lui-même.
Si c’est là votre Prophète, à vous autres étrangers; vous pouvez vous dispenser de continuer votre chant. . Et, sachez-le,à lui seul appartient la Toute Puissance. Glorifi ez ce soutien du Monde, cette âme d’élite, et nous vous écouterons ! »
Quand le vénéré patron des Sehoul apprit ce qui se passait à El-Abiodh, il en fut péniblement impressionné ; il refusa de croire à ce qu’il croyait n’être que des bruits, des calomnies ; mais bientôt ses doutes gent dissipés, et il en ressentit un profond chagrin. et il se dirigea vers le Maghreb moyen, dans cette contrée riche et fertile où résidaient de préférence quelques-uns de ses fils et de ses disciples.
Un de ses contemporains, Sidi Ibrahim ben-El-Fedjidji, dépeint Abd-el-Kader ainsi qu’il suit : « Abd-el-Kader possédait alors cette beauté physique qui est particulière aux hommes que Dieu a marqués de son sceau ; aussi, ne pouvait-on l’approcher sans se sentir naturellement attiré vers lui : son visage, d’un blanc mat, était éclairé par des
yeux noirs d’une expression indéfinissable, et qui, parfois, pareils à la foudre, lançaient des éclairs ; sa voix était harmonieuse et pénétrante.
La douceur de ses regards réconfortait l’âme, et sa parole, claire et limpide, agissait de telle sorte sur l’esprit qu’elle y apportait le calme et la confiance. Enfin, son extérieur et sa prestance étaient nobles et distingués, et ses goûts d’une simplicité extrême ; aussi, à son exemple,ses adhérents voulurent-ils tous porter, et c’était là tout leur luxe, un chapelet semé de grains de corail. » Le Chikh Abd-el-Kader continue ses pérégrinations : il s’arrête chez les Bni-Chougran, tribu voisine de Mâscara, où se trouvait son fils Sâïd; il entre en relation avec le chef des ghris, dont les campements s’étendaient au sud d’El-Kert (le vieux Mâskeur). Il cherche à s’attacher les populations indépendantes de cette région, et à les amener à accepter l’initiation, à la voici qu’il avait tracée. Mais il échoua dans cette oeuvre : « Nous ne saurions vraiment t’écouter, lui faisaient-ils observer avec fierté ; un homme des R’eris, sache-le bien, en toutes choses ne prend conseil que de sa tête. Il admet qu’on agisse comme lui, mais il ne saurait se soumettre à la volonté d’un autre : El R’eris itebâ la itebâ.»
Ech-Chikh traverse la vallée du Chelef, et va se prosterner sur le tombeau de Sidi Ahmed-ben-Youcef. Sa réputation de thaumaturge s’étend de jour en jour : c’est ainsi qu’ayant séjourné chez son disciple, Maham-med-ben-Aouda, il lui prédit l’influence surnaturelle dont il jouirait, dans l’avenir, sur les populations du pays ; et il commençait sans retard à établir cette infl uence par ses prédications : « Que ceux d’entre vous, disait-il, qui veulent jouir du pouvoir visitent la demeure de Mahammed-ben-Aouda. »
A un autre de ses disciples, Bel-Kacem-El-Mezrer’ani, qui résidait à El-R’omra, il lui prédit qu’il serait le patron des pasteurs. Aussi, jetait-il dans toutes les oreilles qui l’écoutaient cet intéressant conseil : « Que celui qui désire devenir riche en troupeaux fasse une offrande à Bel-Kacem. »
A Bou-Ez-Zin-Belaha, dont il change le nom en Feraha (joie), il donne tout pouvoir pour assurer, dans le pays, la prospérité des champs et des troupeaux.
Enfin, Ech-Chikh va visiter ses fils Mohammed à Bou-Aaïth, et Bou-Sâïd chez les Oulad-Mimoun, et se rend de nouveau, pour y faire ses dévotions, sur le tombeau de Sidi Abou-Median-El-R’outs. Enfin, ayant terminé ses pérégrinations,il regagna El-Abiodh, où il vécut dans les honneurs, et en semant le bien sur ses pas.
Son pouvoir auprès du Dieu unique était devenu presque sans limites : c’est sur lui que le Tout-Puissant paraissait se reposer pour les détails de la vie des mortels dans la contrée qu’il habitait. Aussi, cite-t-on de lui de nombreux miracles qui attestent sa qualité d’ouali. Nous avons vu plus haut qu’il était prédestiné dès le ventre de sa mère, et cette
puissance ne fit que croître au fur et à mesure qu’il croissait en âge et en vertus.
Personne autant que lui ne prit soin des siens et de ses serviteurs ; son existence était acquise à tous, et, de près comme de loin, par lui-même comme par intermédiaire, il soulageait ou tirait du péril tous ceux qui l’invoquaient dans le danger.
C’est ainsi qu’un jour il sauva d’un péril imminent, du naufrage, un navire chargé de Musulmans revenant sur Alger du saint pèlerinage de Mekka : « Le navire des Chrétiens qui nous portait, raconte Yahya-ben-Ahmed,un des disciples de Sidi Abd-el-Kader-ben-Mohammed, approchait d’Alger ; le vent nous avait été favorable depuis notre départ d’Alexandrie, et nous pouvions prévoir déjà le moment où nous aborderions la terre. Soudain, la mer devint houleuse, et les vagues, roulant les unes sur les autres, se cabraient avec fureur, paraissant vouloir donner l’assaut à notre navire, qui craquait et gémissait sous les coups de lalame, laquelle menaçait de l’engloutir.
« Les marins des Chrétiens, croyant que leur dernière heure était proche, imploraient l’aide de leur Dieu et le secours de tous leurs saints : ils s’agenouillaient et se frappaient la poitrine en poussant des appels désespérés.
« Le fidèle disciple d’Ech-Chikh, froid et impassible devant la tempête, et plein de confiance dans la puissance de son saint patron, portait distraitement son regard tantôt sur la mer en courroux, et tantôt sur ces marins démoralisés.
« Hé quoi ? lui dit l’un d’eux, tu n’as donc pas peur ?
« Non, lui répondit Yahya-ben-Ahmed, je suis inaccessible à la crainte, car j’ai un haut protecteur qui saura bien me soustraire au péril qui vous menace, vous autres Chrétiens. « — Si ton protecteur est aussi puissant que tu veux bien le dire, reprit le marin, tu devrais te hâter de nous recommander à lui, car nous sommes en perdition. »
« Le pèlerin fit une courte prière mentale, Invoquant le nom de son saint patron, et les vagues retombèrent inertes et sans force sur la mer expirante et subitement calmée. »
Il lui arriva, un jour, de décupler les forces physiques, et à ce point que des enfants auraient pu avoir raison d’une armée.
C’est ainsi qu’à ce propos on rappelle l’aventure arrivée à des jeunes gens d’El-Arbaouat qui avaient reçu l’initiation des mains du vénéré Chikh Abd-el-Kader-ben-Mohammed.
Ils rentraient dans leurs familles, pleins de joie et la paix dans l’âme, quand, tout à coup, ils furent entourés par une nuée de coupeurs de routes. Bien que sans armes, ces adolescents n’hésitèrent pas un instant, se sentant subitement animés d’une vigueur sans pareille, à faire face de toutes parts et à se précipiter sur les brigands avec une vigueur dont ils ne se croyaient pas capables, et les balayèrent comme le vent disperse les amas de sable dans le désert. En pareille circonstance, Sidi Khaled-ben-Anter-El-Amouri, ayant fait appel à l’assistance de son saint patron,put ainsi échapper aux coups de ses nombreux ennemis, et continuer sans être inquiété son voyage dans le Maghreb.
Un jour, une femme d’El-Abiodh, puisant de l’eau dans un puits profond, y laissa tomber son enfant. Désespérée,la pauvre mère invoque aussitôt Sidi Abd-el-Kader.
Sans se faire prier, le saint d’El-Abiodh s’élance souterrainement dans la direction du puits : Il saisit l’enfant avant même qu’il eût touché la surface de l’eau, et le remet à sa mère. La légende ajoute qu’il poussa la bienveillance jusqu’à rapporter, en même temps, le turban tombé de la tète d’un Arabe qui s’était penché sur le puits au moment de l’accident.
Mais l’invocation de la pauvre mère avait été également entendue de Sidi Abd-el-Kader-El-Djilani, le saint de Baghdad, le Sultan des parfaits, le Prince des justes, celui que, nous le savons, les pauvres et les affligés n’invoquent jamais en vain. A l’appel de la mère, il était accouru défendant la terre et les mers ; mais bien que, sans doute,il eût pris la ligne la plus directe, la besogne était faite quand il arriva, de sorte que son assistance était devenue absolument inutile. Nous ne voulons pas le cacher; à quoi bon ? Sidi-Abd-el-Kader-E1-Djilani, — tout parfait qu’il était, — ne fut pas sans éprouver quelque dépit de voir qu’il s’était dérangé pour rien. Le fait est que, de Bar’dadà El-Abiodh, il y a une fameuse trotte, même par la traverse.
« Alors, pourquoi m’a-t-on appelé ? » demanda-t-il avec quelque aigreur. Sidi Abd-el-Kader le Sahrien lui expliqua l’affaire en deux mots : « C’est bien, lui répondit le saint de Baghdad ; mais pour éviter, à l’avenir, toute confusion de ce genre, tu t’appelleras dorénavant Sidi Ech-Chikh seulement. »
Un des disciples du saint d’El-Abiodh rapporte la même légende, mais avec la variante suivante : « Un des nôtres, traversant le Sahra par une température accablante,et étant à bout de forces, s’écria, au moment où il allait rendre le dernier soupir : « Sidi Abd-el-Kader, soutiens-moi ! Sidi Abd-el-Kader, protège-moi ! »
« A son appel, Sidi Abd-el-Kader-El-Djilani, le saint de Baghdad, le soutien de l’Islam, celui dont l’âme plane entre le ciel et la terre, lui apparut.
« Est-ce mon appui que tu réclames ? demanda-t-il à cet homme, est-ce Abd-el-Kader-El-Djilani que tu invoques ?
« — Je demandais le secours de mon patron, Sidi Abdel-Kader-ben-Mohammed », répondit-il très intimidé.
« Celui-ci se présenta à ce moment.
« Hé quoi ? lui dit le saint de Baghdad, un des tiens implore ton aide, et tu ne l’assistes point aussitôt ? »
«Abd-el-Kader d’El-Abiodh se tira de là assez adroitement: « Je vous ai aperçu, soutien de l’Islam ; je « n’ai pas cru devoir m’avancer.
« — C’est bien ! reprit El-Baghdadi un peu radouci ; mais, pour éviter à l’avenir toute confusion ; tu t’appelleras désormais : Ech-Chikh ! »
Depuis cet événement, Sidi Abd-el-Kader-ben-Mohammed ne fut plus appelé que du surnom que lui avait prescrit de porter Sidi Abd-el-Kader-El-Djilani.
Pourtant, ses disciples, ses serviteurs religieux, ses biographes, le désignèrent sous d’autres surnoms et qualifications que nous allons indiquer ci-après :
Sidi Ech-Chikh. — Monseigneur le Maître ; Sidi Ech-Chikh-el-Kebir. — Monseigneur le Grand Maître, pour ne point le confondre avec son petit-fils, Ben-Ed-Din, surnommé Ech-Chikh-Es-Sghir ;Sidi El-Kebir. — Monseigneur le Grand, surnom qui est l’abréviation de Sidi Ech-Chikh-El-Kebir ;Bou-Chikhi. — L’homme des Oulad-Sidi-Ech-Chikh,des enfants de Sidi Ech-Chikh.
Sa descendance, aussi bien en Algérie qu’au Maroc, a conservé l’appellation de El-Oulad-Sidi-Ech-Chikh, — les enfants de Sidi Ech-Chikh.-Amama, l’homme au turban ; Er-Rehal-el-Beidha, le cavalier à la jument blanche.
Cette dernière qualification rappelle que Sidi Abd el-Kader-El-Djilani, le saint de Baghdad, est désigné, souvent par les meddah (trouvères) sous le surnom de Rakeb-el-Hamra, le cavalier à la jument baie.
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, Sidi Ech-Chikhh se fit beaucoup d’ennemis, surtout parmi les théologiens les plus célèbres de
son temps : ses doctrines nouvelles le firent traiter de menteur, de parjure. Ils composèrent des livres
pour réfuter et combattre ses opinions religieuses. Parmi ces acharnés défenseurs de ce qu’ils appelaient l’orthodoxie,nous citerons particulièrement le hafodh Bou-Ras,et le flambeau de l’époque, Sidi Ahmed-ben-Bou-Mehalli El-Meçaouri, qui fit de vains efforts
pour ramener dans la bonne voie Abd-el-Kader-ben-Mohammed-El-Homeyani le Novateur. El-Meraouri composa, dans ce but,
deux livres,— merveilles d’érudition, — auxquels il donna; les titres de : « Le Glaive tranchant qui égorge le génie puissant et malfaisant », et « La Catapulte qui pulvérise les édifices élevés par le Chikh que l’erreur aveugle. »
A son exemple, Sidi .Brahim-ben-Youcef composa un livre qu’il intitula : « Le Manuel parfumé, ou Réfutation des arguments d’Abd-el-Kader-ben-Mohammed des Homeïan, qui a perdu la raison. »
Il serait fastidieux de citer tous les ouvrages que tirent surgir, dans le Maghreb et ailleurs, les nouvelles doctrines de Sidi Chikh,
lequel se posait hardiment en chef d’école.
Nous devons dire pourtant que ce déchaînement des vieilles idées et des vieux théologiens contre le thaumaturge d’El-Abiodh ne portèrent à son prestige qu’une atteinte insignifiante; la querelle se localisa dans le Maghreb, et la réputation de sainteté de Sidi Ech-Chikh s’étendit du littoral méditerranéen aux oasis du Sahra avec une telle rapidité que, pareille aux rayons du soleil qui fondent les flocons de neige, elle finit par faire disparaître les ennemis du puissant ouali que le Dieu unique, — il n’y avait pas à en douter, avait choisi pour l’exécution de ses grands desseins.
Il avait toujours vaillamment répondu aux très vives attaques des hommes de science et de religion du Sud et del’Ouest.
Il faut dire que Sidi Ech-Chikh n’avait jamais douté de lui un seul instant : il était persuadé, — et il le répétait à qui voulait l’entendre, — qu’il était le personnage de son siècle,et que Dieu lui ayant accordé toutes ses faveurs et tous ses dons, lui seul était capable de diriger les hommes dans sa voie spirituelle : « Ma piété et ma ferveur, disait-il fréquemment, égaient celles de Aouïs-ben-Amer-El-Karani. Je suis réellement et visiblement éclairé d’en-haut, et nul mieux que moi ne peut diriger une âme avide de perfection. »
L’oeuvre de Sidi Ech-Chikh fut considérable : son poème
mystique, entre autres, qu’il avait fait connaître sous le titre d’El-Iakouta," la Perle", est une petite merveille de logique et d’élégance.
C’est dans ce poème que se trouvent condensés ses arguments ; il pouvait servir de base à qui avait adopté sa règle ; il se termine par l’indication de la chaîne non interrompue de ses appuis, ceux des Chadoulia, et il établit, en parlant de Dieu lui-même, le principe de toutes choses, cette chaîne de ses bases orthodoxes.
Le poème El-Iakouta eut plusieurs commentateurs, dont le plus célèbre fut Mohammed-ben-Mârouf, lettré affilié à l’ordre des Derkaoua, et lequel se donne la qualité d’Imam.
Indépendamment d’El-Iakouta, Sidi Chikh composa plusieurs autres ouvrages ou recueils : il aurait laissé, entre autres, divers travaux sur le soufisme, sur les mérites de ses ancêtres, les vertus de Moul-Es-Sehoul, son maître, les grâces que recueillent ses disciples, etc.
Mais revenons à la phase légendaire de la vie de Sidi Ech-Chikh, c’est-à-dire à l’histoire populaire de ce grand saint.
Comme tous ceux qui se distinguent de la foule par quelque vertu, par la science, ou par des qualités exceptionnelles,Sidi Ech-Chikh, nous l’avons vu, s’était fait de nombreux ennemis ; ses parents même ne craignirent point de conspirer contre lui, et ce fut à ce point qu’un jour ils se mirent à sa poursuite avec les plus mauvaises intentions ;épuisé de fatigue, le saint allait tomber entre leurs mains ;il ne pouvait être sauvé que par l’intervention divine. Il pria Dieu, — qui, du reste, n’avait rien à lui refuser, — de le tirer de là : la terre s’entrouvrit soudain sous les pieds du saint homme qui, quelques instants après, en ressortait à une heure de marche plus loin, au lieu même où depuis s’est élevée la koubba sous laquelle il repose. Sa monture l’avait suivi à la piste dans sa marche souterraine. Quant aux coquins qui le poursuivaient, ils furent changés en bethoum (pistachiers atlantiques). On vous montre encore, dans Fouad El-Khaloua, et non loin de l’orifice du souterrain par lequel s’échappa Sidi Ech-Chikh, on montre encore, disons-nous, ces vieux arbres levant leurs branches vers le ciel, et dans l’attitude de stupéfaction qu’ont dû prendre.les persécuteurs du vénéré marabout quand il disparut à leurs yeux.
Une autre fois encore, il réprima les injustes agressions de ses ennemis en les engloutissant dans la terre, — c’était le miracle qu’il réussissait le mieux ; — mais, comme il ne voulait pas leur mort, il les fit reparaître aussitôt, se contentant de leur jeter cette malédiction à la face : « Il ne sortira jamais de vous ni saint, ni conquérant. »
Monté sur sa mule, Sidi Ech-Chikh entreprit, un jour, un voyage dans le Tell; il poussa ainsi jusque dans les montagnes des Trara, tribu kabyle qui, bien que voisine du Maroc, la terre des saints, ne s’occupait pas plus du Dieu unique que s’il n’eût jamais existé. Le but du saint marabout était le même que celui du missionnaire de Saguiet-El-Hamra :
faire pénétrer l’élément arabe dans les montagnes des Berber par une intervention pacifique, puisqu’on ne pouvait le faire par la violence et de vive force, et c’était avec la clef de la religion qu’on voulait s’en faire ouvrir les portes.
Cette entreprise, qui, d’ailleurs, avait déjà réussi dans d’autres parties du Maghreb, se complétait peu à peu, et l’on pouvait prévoir le moment où cette oeuvre gigantesque de pénétration,qui s’accomplissait par instillation, serait arrivée à terminaison.
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