OU SONT LES BRAVES ? V
OÙ SONT LES BRAVES ?
Cavalier , je t’en conjure , raconte
Comment va gourmami le chef 2 :
Si tu es d’El-Abiodh , salut et bienvenue .
Le mausolée du maitre est-il toujours ruine ?
Ou l’a-t-on rebâti ?
Souviens-toi des mécréants , fourmilière ,
Assaut de rapaces , assiègent ce mausolée ,
Cime de dignité et de grandeur , ils le démolirent .
Et personne ne s’est senti brimé 3 !
Pourquoi donc vivre ?
Mieux vaut le jihad : joie et félicité .
Le mausolée détruit , quelle honte !
Nul maitre n’est hors l’offense !
Les enfants de Sid Cheikh4 comptent soixante dix douars
Pas un n’a sacrifié un jour , une heure à la vengeance.
Avec des compagnons sûrs , je livrerai bataille ,
Sans fantassin , tous à cheval affrontés ,
Transperçant l’ennemi de poisons et de lames .
Depuis Homeir et Makhzoum 5
Les arabes ne savent plus relever le défi .
Et tous ces immigrés sans foi ,
Insaisissable destin…
Le pays appelle , vains échos ,
Comme l’enfant arraché à sa mère ;
De toutes les tribus , personne ne répond ,
Ceux qui acceptent la défaite finiront dans l’amertume.
Où sont les braves Ouled Bakkar 6 ?
Ne laissez pas les disciples divisés.
Bouamama 7 , homme d’autorité et de prestige ,
Issu du prophète , pur de tout péché
Egrène en tous temps les noms d’Allah !
Et tous comprennent son secret .
Tu fus compagnon de désert jusque dans les pays musulmans d’Afrique noire .
Et je tenais ton étendard , il nous protégeait .
Compagnon des heures graves ,
Tu m’as délivré de la mêlée ,
Trésor du cœur , printemps des yeux ,
Passion après le devoir du croyant.
Nourrir le pauvre par ton nom
Le don d’un jour couvre l’an ,
Puissé-je donner tous les jours !
Ami qui console amour et peine ,
Qui m’assiste , innocent ou coupable ,
Accompagne le pèlerin et sauve le naufragé .
De ton prestige et de ta sollicitude
Je remplis mes veillées .
Tu as soufflé mon verbe dans les tribus .
Par ton nom le négoce prospère au Soudan 8
Et ton ennemi brade sa marchandise .
Par Dieu , je lutterai vengeur !
Tu sais le cœur qui souffre pour son frère ,
Si je pouvais , je te visiterais en voisin
Et ne te quitterais plus , sommeil ou veille .
Dans mon jardin , de ton eau verdissent les plantes ,
Et déborde la rigole.
M’as-tu oublié ?
Je resurgirai en ta pensée .
Chevalier ! Maitre ! Pourquoi cet abandon ?
1 – Poème écrit à El-golea , 1883-1884
2 - En fait Sid Cheikh
3 – S e dit d’un chameau muselé pour l’empêcher de mordre.
4 – Littéralement : « les fils de l’homme à la monture blanche » , autre surnom de Sid Cheikh
5 – Homeir : tribu de la péninsule arabique ; Beni mekhzoum : au VII siècle , ils ont combattu le prophète puis se sont ralliés à lui après la prise de la Mecque.
6 – Ouled Bakkar : de la famille des Hamza .
7 - Bouamama , l’homme au turban , principal dirigeant de la résistance durant cette période .
8 – Allusion au rayonnement de Sid cheikh
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