MOHAMED BELKHEIR IV
TE SOUVIENT-IL DES CHEVAUCHEES SUR LES CRÊTES 1 ?
Dieu qui sauve du désert l’égaré
et ramène l’exilé au pays,
délivre-moi d’entre lion et rempart.
Délaissé, lucide, œil ouvert,
L’ennemi m’étouffe, délivre-moi !
Par toi, le vent se lève, la falaise glisse.
Sauve-moi comme le prophète dans la grotte
caché par la colombe et la toile d’araignée 2 .
Du feu tu as sauvé Abraham , sur lui paix , salut et grâce.
Nul ne pénètre le secret de ton vouloir.
Tu fais mourir la vie et naître de la mort ;
Fragile , sans force face à mon mal,
par toi seul je guérirai ;
sans énergie ni pouvoir,
souffrant prison et maladie !
Le doux m’est amer : et je t’implore.
Toi qui relève l’opprimé , abaisse le tyran,
Abat l’homme haut de ses ailes.
Délivre-moi d’entre ongles et cils
Et donne-moi l’insoupçonnée jeunesse.
Le maître du bien n’attend pas la louange ,
Epargne-moi , comme d’Abraham le fils ;
Aide-moi à satisfaire mon père , à retrouver enfants et amis .
Eloigne-moi , ô Dieu , de ce voisinage ,
libère tout croyant de la prion roumi .*
Et souvenir sera l’exil,
au pays digne loin de l’humiliation.
je me réjouirais en mon désert, hommes libres,
amis fiers, tête haute.
Du maitre aimé point de message,
Hâte, ô Dieu notre rencontre :
saint aux sept coupoles, prière de pèlerins,
maître du secret pur, accorde moi ta grâce.
La prison ne m’est rien sinon honte d’entendre :
« son maître l’abandonne »
Le sommeil fuyant à jamais l’œil,
comment pourrais-je oublier mes amours ?
Te souvient-il des Smahat, les vrais !
ils ont oublié leur compagnon sitôt disparu
Te souvient-il des frères d’armes émigrés ?
moi seul demeure fidèle
Te souvient-il des chevauchées sur les crêtes ,
Ici, là-bas , croisées de salves,
Chevaux par l’éperon blessés,
cavaliers parés d’habits brodés ?
Te souvient-il du chott, terrain de notre enjeu,
où le vaincu cède au vainqueur ?
Te souvient-il des mécréants enchainés
Et des capitaines, drapeau baissé ?
Te souvient-il des défis, échos de défis ,
La dignité régnait à El bayadh et au-delà
jour doux, jour de feu,
jour ennemi, jour de fête
Proche est la volonté d’Allah ; la roue tournera,
Et Dieu comblera le vœu du croyant
Dans l’attente des jours, l’astre tourne :
Entre le kef et le noun s’accomplira l’ordre d’Allah 3 .
Nous patientons ; passent les jours sombres,
Par la grâce du Prophète et des siens,
des dix compagnons infaillibles ,
d’Abou-Bakr le véridique et ses adeptes,
naguère je t’ai imploré,
ô maître , pour finir à la droite du prophète
Pardonne, ô rédempteur , au peuple de Mohamed,
Car le repentir appelle le pardon.
Ô Seigneur, Le Généreux , le Protecteur ?
couvre de ta grâce mes défauts ignorés,
protège-moi ici-bas et dans l’au-delà ;
j’ai commis des péchés, je me souviens
Pardonne ô rédempteur , à tous les présents 4 .
à l’auteur de ces vers, à ses ancêtres
1 -Ce poème de toute évidence, date de l'exil de Belkheir en Corse
Les passages évoquent ses compagnons d'armes (les Smahat), d'ailleurs d'une rare beauté
stylistique , sont avec le poème " Par nos exploits les gens délirent" , ses vers les plus populaires.
2- Référence au seul miracle que rapporte la Souna . En émigrant de la Mecque à Médine , le prophète Mohamed poursuivi par ses ennemis , se réfugie dans une grotte dont l'entrée fût instantanément couverte par une toile d'araignée et le nid d'une colombe
3- voir note 4
4- Une tradition assez répandue , en poésie orale, veut que le poète termine ses vers par un appel à Dieu , l'implorant en faveur des personnes présentes, les remerciant ainsi de l'avoir écouté
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