LETTRE D'UN AMI
LETTRE D'UN AMI
PERE BRUNO
El-Abiodh, le 24/12/2016
Cher ami Père Bruno à Taferhit (environs El-Abiodh)
J'espère que ce livre vous plaira. La nature nous offre tant de vues , paysages extraordinaires d'harmonie,
Vous essayez d'en relever et garder quelques vues. Bien sur notre civilisation technologique en détruit et les a détruit beaucoup mais Esperons
Je vous envoie un colis d'El Abiodh où je suis venu juste quelques jours pour partager nos fêtes de Noël avec les soeurs qui vont elles aussi devoir quitter EL Abiodh sid Cheikh où elles ont tant d'attaches
Merci pour vos diaporamas qui gardent et font rejoindre ces si pures régions sahariennes
Je ne pense pas pouvoir vous rendre visite, car ces quelques jours sont très occupés et je ne pense pas prolonger
Très amicalement et avec tous mes voeux pour vous, votre famille, vos proches
Frère Bruno Rozan
C'était la dernière lettre que je recevais du père et de l'ami Bruno venu de France rendre visite aux petites soeurs d'El- Abiodh sid Cheikh qui elles aussi allaient à leur tour quitter cette ville et ce pays où elles avaient tant d'attaches, partageant joie et peine de la population locale, je suppose que ces adieux furent très émouvants après tant d'années passées dans la région,
Le père Bruno est actuellement en France, je n'ai plus hélas de ses nouvelles depuis 2021 il a quitté la fraternité d'El Abiodh sid Cheikh vers le milieu de l'année 2016
Avec le père Raymond ils étaient les derniers occupants de la fraternité d'El Abiodh, le père Raymond est resté quelques temps après le départ du père Bruno et des soeurs, il rejoignit par la suite la fraternité de Beni Abbes plus au sud n'hésitant pas à se rendre de temps en temps à El Abiodh où il avait passé une grande partie de sa vie
A El -Abiodh , le désert leur a enseigné les vertus du silence et de la contemplation , le désert est par essence un incontournable maitre de vie spirituelle , mais ils n'avaient jamais coupé les liens avec la population locale
C'est toute une époque révolue hélas à jamais , ainsi va la vie
Paix à vous où que vous soyez
Par Noureddibe Toumi*
Le dimanchhe 23 juin 2034
INSTALLATION DU BORDJ ( FRATERNITE )
EL-ABIODH SID CHEIKH
Le 20 mai 1933 le Père. René Voillaume, après de nombreuses recherches d’un lieu pour établir une Communauté de priants dans un environnement désertique s’orientent vers El Abiodh :
une possibilité d’installation, lui ayant été suggérée dans un bordj inhabité appartenant au Caïd Slimane
Il raconte :
« Le bordj par sa taille, la disposition de ses pièces, le jardin attenant et sa situation un peu à l’écart nous convenait en tous points. C’est là que nous devions nous installer. Le bâtiment dont la terrasse avait été refaite, était solide et en parfait état.
Un inconvénient : l’eau était magnésienne, provenant de puits et non de sources. Nous étions à l’orée du désert, à une altitude de 900 mètres environ et le climat durant l’hiver était beaucoup moins rude que celui des Hauts Plateaux… » En 1933, départ de Géryville de René Voillaume, responsable de la communauté avec quelques Frères, pour El Abiodh ; arrivée vers 17 heures.
Réception
En effet en Janvier 1901,la Division d’Oran, décida la suppression du poste militaire d’El Abiodh. L’officier et les Spahis évacuent le bordj…
Depuis les bâtiments étaient demeurés inoccupés, sauf de temps à autre par un officier en tournée.
Le Bureau de Poste était installé dans une pièce du logement installé à gauche du portail d’entrée.
La liaison de Géryville sur El Abiodh n’était assurée pratiquement qu’une fois par semaine. Un vieux car, transportant, marchandises et voyageurs, ainsi que les sacs de courrier, mettait plus d’une demi journée pour arriver à El Abiodh
Le règlement d’achat du bordj s’effectua entre les mains du Caïd Slimane, dans le bureau du lieutenant
Le vendredi 22 septembre par le Khalifat dans le bordj lui-même.
Pour la première installation une chapelle provisoire fut établie dans une pièce du bordj, en attendant la construction d’une chapelle
René Voillaume écrit à ce sujet :
« Son édification fut en fait notre première préoccupation et absorba nos efforts et notre temps durant plus de 6 mois.
Lors de mon premier contact avec l’Atlas saharien et la région des ksour, j’avais été frappé par la beauté et le caractère original des koubbas des Ouled Sidi Cheikh et nous rêvions d’une chapelle de ce style. Aussi dés notre installation terminée, au début de novembre, je me mis à tracer les plans de notre future chapelle. La koubba de Sidi Cheikh était d’une conception simple et régulière : une coupole centrale surélevée, supportée par quatre gros piliers encadrait la tombe du saint. Cette coupole était entourée de quatre petites coupoles d’angle. Une telle disposition convenait au sanctuaire de notre chapelle.
Cependant l’emplacement central entouré des quatre piliers devait être agrandi pour laisser à l’autel un espace suffisant. A ce sanctuaire de forme cubique, serait adjoint un bâtiment moins élevé et allongé, de manière à contenir le chœur des frères et la partie réservée aux hôtes et aux retraitants, séparés du chœur par une grille en bois,
Ma première intention avait été d’édifier la chapelle en briques de terre selon le mode de construction en usage dans le pays, mais M . Beaudroit l’agent -voyer, dissuada et me conseilla de construire en pierre et chaux hydraulique ; n’ayant encore aucune expérience en matière de construction je suivis ses conseils. J’appris également à calculer la poussée des voutes et des arceaux. Enfin je ne me rendis pas compte au seul vu d’un croquis en plan de l’importance que revêtiraient les bâtiments lorsqu’ils surgiraient de terre en trois dimensions ! Les édifices nous apparurent ainsi plus importants que je ne le prévoyais. N’ayant pas non plus l’expérience de la conduite d’un chantier, nous sous estimions l’importance et la durée des travaux.
La chapelle devait s’élever au nord du bordj en direction de la piste de Géryville (El-Bayadh) , à la place du mur et de la poterne qui fermaient la cour de ce coté, les bâtiments du bordj étant disposés en fer à cheval sur les trois autres cotés
Le mur du nord fut abattu en novembre, et on traça les fondations.
Nous avons fait venir des maçons de Géryville et SaÏda pour renforcer l’équipe des maçons du pays. Il fallut également chercher une bonne carrière de pierres qui fut trouvée le 11 novembre, à 11 kms vers le nord. Enfin la pose de la première pierre eut lieu par un temps froid et pluvieux le lundi 4 Décembre 1933 .La marche de ce chantier de construction entraîna beaucoup de tracas de fatigues et de soucis à une époque de l’année où, la piste était fréquemment rendu impraticable par les intempéries …
Au début les murs montaient vite ! Mais les terrasses, la construction des cintres, celle des coupoles et surtout les enduits, tout cela prenait beaucoup plus de temps que je ne le prévoyais..Sans compter les arrêts de chantier faute de ciment ou de chaux, ou à cause du mauvais temps.
Finalement l’essentiel de la construction fut terminé non pas fin avril mais fin mai. René Voillaume continue :
« Pour qui débouche de la piste du Nord, l’église se présente en un bloc homogène de 20m de long (y compris la sacristie) sur 8 m en sa plus grande largeur.
On peut y distinguer trois parties se faisant suite :le chœur des religieux de 8 m de long sur 4 m de large et environ 5 de hauteur, couvert de terrasses ; le sanctuaire, deux fois plus large et surélevé de 2m, dont la terrasse est surmonté de cinq coupoles : quatre petites coupoles d’angle et une plus grande coupole centrale.
Enfin une troisième partie, de 10 m sur 5 abritant la sacristie et les chapelles adjacentes. Elle est plus basse que le reste de l’édifice, et couverte elle aussi en terrasse.
Pour contrebalancer la poussée des arcs qui supportent terrasses et coupoles, il a été fait usage de contreforts, la ligne extérieure revêt ainsi un aspect trapu, avec une note plutôt austère, et même sauvage.
Le style de la chapelle s’inspire directement des koubbas du pays. Certaines modifications, soit dans les proportions générales, soit dans l’allure des coupoles,ont été commandées par l’agencement intérieur : le chœur et l’autel occupent nécessairement plus de place que la simple tombe du marabout entre les quatre grands piliers octogonaux des koubbas de Sidi-Cheikh.
La porte extérieure de l’église qui sera la porte ouverte aux fidèles, et aux visiteurs donne sur le bled. Empruntons-là : L’entrée est précédée d’un vestibule carré : une niche y abrite un bénitier et sur la muraille se découpe en relief une inscription arabe qui peut se traduire ainsi : « O âme, sache te consoler ! la gloire est dans l’ascèse et dans la retraite » (Extrait du mystique musulman Al-Hallaj)
A l’intérieur de la chapelle une seule nef qui s’élargit seulement autour du maître autel.
trois parties dans cette nef : l’une au fond, réservée aux fidèles et visiteurs ; la seconde, exactement dans son prolongement, mais séparée d’elle par une grille en bois de cèdre inspirée de moucharabieh arabes : le chœur des religieux ; la troisième (et qui correspond à la partie surélevée des coupoles), le sanctuaire.
Derrière le maître autel, une porte donne sur la sacristie et les trois petites chapelles latérales ; en arrière la sacristie ouvre par une porte sur la cour du cloitre. Mais revenons à l’intérieur de la chapelle. C’est là que l’on peut saisir sur le vif à la fois la simplicité extrême et l’harmonie de la construction.
Dans la nef proprement dite (partie des fidèles et le chœur des religieux) le plafond formé de poutres et de planchers apparents, teints noyer, est supporté de 3 m en 3 m par trois cintres en maçonnerie. Ces derniers, comme tous les cintres de la chapelle, sont en arcs brisés outrepassés, reposant sur pilastres.
Au sanctuaire, quatre piliers octogonaux en pierre taillé entourent l’autel. Ils sont reliés aux murs par huit petits arcs brisés outrepassés.
Une niche, analogue au mihrab des mosquées est orientée vers Jérusalem
Le mercredi 30 mai 1934 nous prenions possessions de l’église..
Ce lieu de prière sera pendant de longues années au cœur de notre vie.
Nous avons parlé longuement de l’architecture de notre chapelle.
Nous y avions mis toute notre âme…Son aspect monumental fut critiqué, et au fur et à mesure que murs et piliers gagnaient de la hauteur, ils provoquaient parfois des scrupules dans la conscience du frère architecte. Nous en avons parlé pour souligner que je m’étais surtout laissé guider dans cette construction par la préoccupation dominante de donner à ce lieu de culte un style et une ambiance foncièrement arabe. Elle fut pour tous, chrétiens européens et Musulmans arabes un signe évocateur et respecté d’un lieu sacré de prière
Le minaret
René Voillaume continue : »La sonnerie des cloches des églises et des chapelles chrétiennes apparaît en terre d’Islam comme liée non seulement au christianisme, mais au monde occidental. Je ne pouvais m’empêcher d’être impressionné par l’usage de l’Islam qui
convoque les fidèles aux différentes heures de la prière par la psalmodie de l’ « adhan », appel lancé du haut des minarets des mosquées
Aussi nous vint l’idée de remplacer la sonnerie des cloches annonçant les heures de l’office, par la psalmodie ou le chant d’un appel en arabe.
Au début, probablement dés la mi –aout 1934 nous nous contentions de faire cet appel dans la cour de la fraternité .Puis nous avons décidé d’élever un minaret en briques de terre. Cette construction fut rapidement menée et le 3 octobre 1934, je faisais l’appel du haut du minaret…
Cependant la proclamation d’un adhân en arabe du haut de notre minaret rendait la population d’El-Abiodh perplexe sans que nous en prenions conscience..Des plaintes furent formulées auprès du chef d’annexe de Géryville…Et le 22février 1935 nous reçûmes une note du capitaine chef d’annexe nous demandant de cesser l’appel en arabe; interdiction qui fut confirmée le 13 mai 1935 comme définitive
Au cours des années suivantes différentes transformations, aménagements eurent lieu dans l’ensemble des bâtiments, comme à la chapelle la suppression d’un mihrab, évolution et finalement fermeture du vitrail sud
Au cours des années 1940 les terrains de culture furent agrandis en direction du sud, et il fut décidé qu’on élèverait au centre de ce terrain un petit oratoire dédié à Lalla Mariam. Cette petite koubba fut, à l’intérieur, entièrement revêtue de panneaux en plâtre sculptés dont certains contenaient les litanies de la Vierge en arabe.
Les dessins de ces décorations avaient été empruntés à des motifs utilisés dans des mosquées marocaines dont nous avions des reproductions.
Elle sera bénite le 3 Janvier 1943
Au cours des années de 1956 à 1962 les frères demeurés peu nombreux accueillirent dans les bâtiments beaucoup de familles, spécialement celles du ksar Si Hadj Ahmed qui avait été détruit En 1962 une grande partie de la maison est occupée par des familles mais les 2 séries de chambres donnant sur le jardin et la buanderie, plus la grande chapelle et ses dépendances immédiates sont toujours demeurées accessibles.
L’ancien bordj et l’allée dite des scorpions seront récupérés l’année suivante.
Tout le reste des bâtiments est aussi habité par des familles du village :
La plupart des Ouled Si Hadj Ahmed, et les logements occupés leur seront cédés à titre gracieux car désormais l’ensemble des bâtiments est trop importants pour le petit nombre de frères appelés à vivre en permanence ou pour de courts séjours et un grand nombre seront finalement cédés à diverses familles.
Le minaret menaçant ruine fut démoli au cours de l’année 1971.
Une mission du Cadastre en 2004 a régularisé la situation en fournissant un livret foncier authentifiant chaque lot et régularisant ainsi la situation de chacun; demeure cependant, à ce jour, le contentieux non réglé, du terrain ont été recueillisn cédé à l’A.P.C. derrière la koubba de Lalla Mariam.
Koubba sid el hadj Bahos ( environs El-Abiodh )
NB/ Les documents ( texte et photos anciennes m'ont été transmis
par le père Bruno
j'ai procédé à quelques retouches des photos
LE MAUSOLEE DE SID CHEIKH AU XIX SIECLE
PARTIE II - MA PREMIERE VISITE A LA FRATERNITE LE 24 NOVEMBRE 2012 - INSTALLATION DE LA FRATERNITE - PHOTOS DATANT DES ANNEES 1930 - Photos retouchées par mes soins
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Commentaires (5)
- 1. | lundi, 01 juillet 2024
- 2. | mercredi, 26 juin 2024
Dieu merci le père Raymond se porte très bien
Il vit toujours parmi nous en Algérie
Le contact ne s'est jamais coupé entre nous deus
Content surtout d'avoir immortaliser ces instants magiques avec à l'époque un modeste appareil photo
- 3. | mercredi, 26 juin 2024
- 4. | mercredi, 26 juin 2024
Combien il conviendrait que cette histoire fut connue ! L)
- 5. | lundi, 24 juin 2024
Bravo Noureddine pour ce travail de mémoire
La fraternité est splendide
En même temps qu'une plongée dans l'histoire d'El Abiod Sid Cheikh, c'est aussi une belle visite détaillée de lieux religieux que vous avez immortalisés et nous livrez.
Des lieux qui semblent encore vivants.
La "dernière lettre " d'un ami est bien un témoignage de fraternité .
Bien cordialement.