CHRONIQUE DU SUD LOINTAIN
CHRONIQUE DU SUD LOINTAIN
AU ROYAUME DE SOULEÏMANE
( Moulk Slimane )
Rendez vous fut pris pour rallier El Abiodh sid Cheikh et rejoindre le père Raymond l'initiateur de ce voyage ainsi que le père Jean venu
d'Alger, le père Bruno ne sera pas du voyage pour empêchement, notre chauffeur est si Mohamed au bord de sa 4/4 Toyota , c'est un
fin connaisseur des pistes du désert
De toute la nuit je n'ai pas pu trouver le sommeil, perdu que j'étais dans mes rêves, ce n'est qu'à une heure très tardive que mes
paupières se refermèrent bercé par de doux rêves comme ceux d'un enfant
Voilà bien des années que je caressais le rêve de voir Moulk Slimane (le royaume de Souleimane)
A mon réveil une pluie glaciale balayait El Bayadh suivie de vents violents; ce n'est qu'en dépassant la commue de Aïn El Orak que les
nuages se dissipèrent laissant place à un soleil radieux; voilàA mesure que nous nous enfonçons vers le sud , le pays change
complètement , le sol devient de plus en plus rocailleux , a végétation se fait plus rare, laissant place au seul "methnané" une plante
qui résiste à l à la chaleur au froid et à la sècheresse, si bien qu'un dicton nomade bien de chez nous dit : " ana el methnane , ma
tahragueni guaila, ma takoulni zayla"
c'est à dire: je suis El methnane, je ne suis brûlé ni par le soleil ni comestible pour les bêtes; d'où son abondance, il est un véritable
frein contre l'avancée des sables. Seules quelques dhayat, sortes de dépression de terrain en forme de cuvettes dans lesquelles s'accumulent les eaux pluviales gardent un semblant de
verdure bien des années que je caressais le rêve de voir Moulk Slimane (le royaume de Souleimane)
Me voilà donc aux fins fonds du Sahara , un vent glacial et parfois violent régnait sur ces immenses solitudes suivi de temps à autre de vent de sable, ce n'est qu'un peu plus tard que
L'atmosphère est devenue plus clémente
Le pays de Souleimane était par le passé connu pour être "Bled el khaouf wel baroud" ( le pays de la peur et de la poudre) en raison des pillards qui infestaient la région venant d'un pays frontalier ; sinon des fois par ceux de l'intérieur poussés qu'ils étaient par la faim
Le royaume est composé de plusieurs falaises aux pentes très escarpées pouvant atteindre des hauteurs de plus de quatre vingt mètres , on dit que c'était le pays de prédilection des Beni Ameur , une tribu venant de la lointaine Arabie, les restes d'un vieux ksar sont encore visibles et dont les remparts peuvent atteindre plus de six mètres de hauteur, des restes de pièces subsistent encore grâce à quelques menus travaux entrepris par les pères blancs de El Abiodh sid Cheikh
A l'extrémité du ksar et à quelques centaines de mètres un tas de pierre retient mon attention , ce sont les restes d'un tout petit cimetière presque effacé et à peine visible
Dans la grandeur de ces espaces sans limite , le temps s'est arrêté laissant place à l'oubli; un silence étrange pèse sur les lieux et où règne une tristesse poignante teintée de magie et où seul le silence éternel du désert est roi
En 1964 et sous la conduite de feu père Milad les pères blancs de El Abiodh sid Cheikh en ont fait un ermitage , ils s'y succédaient dans la solitude pour des périodes allant jusqu'à six mois pour quelques uns , au début ils s'abritaient sous un guitoune (tente) , mais vu le froid glacial en hiver et les chaleurs accablantes en été, sans compter les vents violents et tempêtes de sable, ils ont pensé à rénover quelques pièces du vieux ksar pour s'y abriter
En effet les lieux sont propices à la méditation où le regard se perd dans ces immenses solitudes, l'eau étant très rare dans ces contrées lointaines , les
pères ont eu l'ingénieuse idée de construire une citerne d'eau et ont érigé une séguia merveilleusement bien taillée dans la roche et où se déversent les eaux pluviales et qui par la suite viennent s'engouffrer dans cette citerne construite sous terre en dur, énorme fût notre surprise lorsque nous découvrîmes un grand serpent ou vipère mesurant plus d'un mètre pris au piège en cet endroit, El Hadj Mohamed notre compagnon de route réussit astucieusement à le sortir de cette mauvaise posture, pour rappel la construction de cette conduite d'eau remonte vers l'année 1972 (source du père Raymond)
Ces pèlerinages ont duré jusqu'à l'année 1993, année où le pays allait sombrer dans une décennie noire, année où la violence était à son paroxysme. Mais ô grand jamais ces pères ne se sentaient menacer ou étaient menacés par quiconque , ils vivaient en parfaite harmonie avec la population locale, si bien que lors de leur départ définitif, la population en était consternée, le père Raymond vit dans une autre contrée du sud et revient souvent à El Abiodh Sid Cheikh où il a tant d'attaches
L'autre attraction de Moulk Souleimane c'est ces hautes falaises qui sous l'érosion et autres aléas climatiques ont pris des formes étranges presque humaines et qui semblaient monter la garde des lieux, d'autres me font penser à des choristes dans une grande arène prêts à entonner un air en hommage à ces contrées magiques
A l'horizon lointain sont visibles gours "Enhass" (plateaux de cuivre) qui par le passé regorgeaient de troupeaux d'aroui (mouflons) et de gazelles, malheureusement suite au braconnage; ils ont quasiment disparu, en effet lors de notre parcours nous avons trouvé plusieurs cartouches de chasse vides et durant tout notre périple on n'a pas croisé la moindre trace d'un quelconque animal ou oiseau si ce n'est la présence d'un couple de traquets noirs à la tête et queue blanches surpris par notre présence en ces contrées isolées
Hélas le massacre de ce qui reste de notre faune continue de plus belle sous l'oeil indifférent de tous
Plus au sud et à quelques kilomètres de gour Enhass un ensemble dunaire de couleur ocre apparait au loin; c'est le lieu dit "El Menguoub"
On rapporte que c'était un véritable point de concentration de caravanes en partance vers le Gourara, ces lieux ont été aussi témoins de grandes
batailles au milieu du dix huitième siècle que livrèrent les vaillants si Kaddour et si Laala des ouled sid Cheik à une meute d'assaillants sous
ommandement de l'armée coloniale
El Menguoub: la bataille
C'est dit-on à El Menguoub que furent lancer des goums alliés de l'occupant dans la direction des campements de si
Kaddour des ouled sid Cheikh et qu'ils attaquèrent le 23 décembre et ce non loin du lieu de combat où avait tué son
frère si Mohamed ould Hamza le 4 février 1865 et tuèrent 150 cavaliers (source de l'occupant) , un butin tomba aux
mains des assaillants à savoir quelques drapeaux et le cachet de si Kaddour qui blessé s'échappe à grand peine et
presque seul, si Laala avait été également blessé mais sa blessure était sans gravité , le lieutenant colonel Gand qui
continuait à appuyer ces goums arrivait le 23 décembre à El Mengoub avec sa colonne , le nommé Kaddour oueld Adda
allié à l'occupant avait continué avec ses goums la poursuite du chef de l'insurrection qui avait pris la direction du sud
ouest , il parvenait à les cerner et les poussa vers la colonne
La femme de si Kaddour et l'un de ses deux fils furent faits prisonniers
Si Kaddour oueld Hamza et si Laala se sont échappés, le premier vers Tabelkoza, on le disait fatiguer par toutes ces
luttes inégales et sans fin
Même l'ennemi ne tarit pas d'éloges à l'égard du farouche et valeureux guerrier si Laala , si Laala disent-ils a été l'individualité la plus marquante du personnel insurrectionnel il a été l'instigateur de la révolte de 1864, homme de guerre d'une grande valeur et d'une rare audace, nous l'avons toujours trouvé dans les combats que nous avons livré au sud Algérien pendant ces seize dernières années
Il a exécuté sur notre territoire et jusqu'au Tell (nord de l'Algérie) des pointes d'une témérité inouïe et qui auraient suffi pour illustrer un général Européen
La légende se rattachant au royaume de Souleïmane est question d'un "Amri" (homme de la tribu des béni Ameur) qui pour échapper à je ne sais quelle persécution , s'était réfugié sur ces hautes falaises d'où il pouvait voir dans tous les sens une immense surface de ce pays , ainsi il pouvait voir et fuir à temps ses assaillants
Une nuit surpris dans son sommeil et ne trouvant nulle issue pour échapper à ses poursuivants il se jeta du haut de ces falaises et lança ce fameux cri "El djorf oula lehdid"
(le précipice plutôt que le fer) en allusion aux pointes d'épée ou toutes autres armes que lui réservaient ceux qui étaient à sa poursuite
Lors de sa chute , l'air s'engouffrant dans ses larges vêtements (gandoura) lui permit d'atterrir en bas sain et sauf,
On dit qu'un tas de pierre, auquel chacun en passant ajoute la sienne marquant de ce fait l'endroit où tomba Souleïmane,, je n'ai pas eu le temps de joindre la mienne, ça ne sera que partie remise inchallah
Par Noureddine Toumi
Le samedi 28 décembre 2013
Aux pères Raymond et Jean, à si Mohamed, de El Abiodh sid Cheikh
à Karim mon garçon de 13 ans à l'époque, et au grand absent le père Bruno
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Photos prises le 23 décembre 2013
Le présent diaporama comprend 176 photos
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MOULK SLIMANE
UNE GRANDE PENSEE AU PERE JEAN
Commentaires (26)
- 1. | mercredi, 11 janvier 2023
- 2. | mardi, 10 janvier 2023
je suis heureux d'avoir immortalisé ces instants magiques autour de gens si humbles , si attachants
Dieu vous préserve
Noureddine
- 3. | mardi, 10 janvier 2023
- 4. | dimanche, 08 janvier 2023
Le père Jean figure sur le présent diaporama coiffé d'un bonnet bleu
Un homme chaleureux et très attachant
De tout cœur je lui dédie cette rubrique
Paix à son âme
A Dieu nous appartenons à lui nous retournons
- 5. | jeudi, 17 août 2017
- 6. | mardi, 15 août 2017
Amitiés
- 7. | lundi, 14 août 2017
Merci de nous faire profiter de vos connaissances sur ce lieu magnifique qui est le vôtre. Il me plairait de le parcourir à vos côtés tant vous en parlez bien, comme le disait Gilles votre chronique est "digne d'un grand reporter" et d'un très bon guide, j'aimerai un jour pouvoir découvrir "les perles du désert" et ses immenses plateaux, dont les falaises semblent abriter tant de secrets, Merci pour le partage de votre lien, bien cordialement Pascal fc
- 8. | samedi, 30 juillet 2016
Merci pour votre passage, grande est mon émotion en revenant chaque fois sur cette page
En effet c'est le pays des mirages et des rêves, heureux fût Souleymane
- 9. | vendredi, 22 juillet 2016
Je ne sais comment te remercier pour ce superbe voyage dans le temps et dans les espaces qui te sont chers.
Tu aimes tellement ces lieux, et tu t'en es tellement imprégné, qu'il est tout à fait possible que tu sois une réincarnation de Souleymane. Pourquoi pas? Dans ce désert les mirages doivent être fréquents, et l'imagination est surmultipliée. Rêvons donc, puisque c'est permis.
Merci de m'avoir fait partager ce beau reportage et pour ton enthousiasme.
Je n'ai qu'un seul regret, ne pas avoir pu regarder toutes les photos, ma connexion m'étant comptée.
Je suis ravie d'avoir fait ta connaissance, ainsi que d'avoir eu le privilège de connaitre ton site,
Amicalement,
Marie
- 10. | samedi, 21 mai 2016
Merci pour ce lien et pour le voyage que tu nous fais partager.
Au travers de ta chronique, je ressens bien l'attachement que tu portes à ce désert et l'histoire qu'il recèle.
Un lieu de méditation qui doit permettre de tourner son regard au plus profond de soi, de se découvrir un peu.
De belles images qui suscitent l'envie de découvrir ce désert en réalité.
Encore merci Nourédine.
- 11. | samedi, 21 mai 2016
- 12. | mardi, 08 mars 2016
- 13. | mercredi, 06 mai 2015
Amitiés,
Monique
- 14. | mardi, 11 novembre 2014
Merci pour ce voyage mystique et ces diaporamas à couper le souffle
- 15. | mercredi, 01 octobre 2014
- 16. | lundi, 01 septembre 2014
- 17. | samedi, 09 août 2014
Bonne continuation pour de nouvelles découvertes du grand sud algérien.
Bien amicalement.
Jean.
- 18. | mardi, 01 avril 2014
Cordialement,
Laurence
- 19. | mercredi, 22 janvier 2014
bonne journée
Cordialement Noureddine
- 20. | mercredi, 22 janvier 2014
Toutes les éloges ne suffisent pas pour cet excellent travail qui ne mérite qu'encouragements
Avec toute ma considération et ma profonde gratitude
Bonne continuation
Bien fraternellement.