NOMADES II

                                                                                                 
 
 
 
NOMADES II
 
 
 
SI LARBI
 
 
  Il me tardait de revoir mon désert que je n’avais pas revu depuis plus d’une semaine, une
  semaine c’était presque une éternité pour moi, j’étouffais dans la ville dont je me  suis
  toujours senti  étranger, je piaffais intérieurement à l’idée de retrouver ces grandes solitudes
  Et c’est à treize heures par un soleil de plomb que je mettais le cap  plein sud, heureux de savoir
  que j’avais devant moi quelques  heures magiques à "vivre " c’est en quelque sorte des haltes
  dans ma vie que rien ne viendra troubler 
  Je décidais en premier une virée vers la gara de sidi Abdallah qui a voué sa vie à la prière et à
  la méditation et dont le mausolée est situé juste  en dessous d’une haute gara abrupte aux
  tranchées étroites et en de rares endroits profondes et que surplombent d’énormes blocs prêts à
se détacher à tout morment, à  quelques huit cent mètres en contre bas  a été érigée en son honneur une zaouia refuge pour les pauvres et
les égarés, elle est faite de toub (pisé) pour intercepter les ardeurs du soleil, le plafond est  fait à base de troncs de palmiers, on y trouve à
l’intérieur du couchage, des ustensiles de cuisine , elle est actuellement envahie  de sable, un silence étrange y règne à l’intérieur,
quelques pigeons y ont élu domicile. 
Bientôt ces horizons tant aimés que le "luxe" et la bêtise qui ont pollué et défiguré nos villes et villages viendont détruire ce
charme encore un tant soit peu intact de ces contrées splendides,  beaucoup d'appréhension pour moi en voyant la nouvelle ville
de Brezina fin prète qui viendra défigurer les lieux, hélas la bête immonde a déjà étendue ses tentacules, ces messieurs décideurs
ont ils idée du préjudice considérable que va causer cette nouvelle ville au paysage environnant et aux sites historiques de la
région, n'y a t'il personne pour dire stop à ce carnage
 
A quatorze quarante cinq minutes j’arrivais au petit village de Gouiret lehbar, j’étais le seul à m’aventurer dans cette chaleur accablante
de rares passants me regardaient d’un air presque suspicieux
A qinze heres quinze minutes autre petite escale à la charmante petite oasis de Sid el hadj eddine encore endormie à cette heure, par le
passé cette oasis était sous la dépendance de la grande tribu de ouled sid cheikh, c’était un lieu de halte et de ravitaillement
de cette tribu remuante, une oppression lourde pèse sur les lieux en raison d’une chaleur presque étouffante, aucun son
n’est perceptible, un petit traquet me tenait compagnie il se tenait à l’ombre d’un mur d’une ancienne zaouia les ailes
presque pendantes, seules des voix inaudibles presque fusent de la nouvelle zaouia située à l’entrée du village où des
gens venus du grand sud fidèles serviteurs du saint sid Cheikh récitent des versets du saint coran et ce à longueur
de journée, tout autour les palmiers sont pleins de dattes, la récolte s’annonce bonne cette année, le soleil tapait
de plus en plus fort  et je mettais le cap vers le plein sud laissant encore cette petite oasis assoupie au milieu de ses jardins et de sa palmeraie, j’ouvris grandes les fenêtres de mon véhicule, à la sortie du village un vieil homme venu faire ses achats dans le village faisait de l'auto stop pour rejoindre son campement dix kilomètres plus loin, tout comme moi il était en rage car juste à quelques kms de Sid el adj Eddine les émirs braconniers sont de retour après une accalmie qui n'a duré que trois mois, sans compter nos va nus pieds qui devenus riches par je ne sais quel miracle roulent en 4/4 et s'addonnent eux aussi au massacre de ce qui reste de notre faune, plus loin m'apprit mon passager une compagnie Américaine est à pied d'oeuvre pour mettre en valeur quelques lopins  de terre "dixit les décideurs", Mr Belhabaji était en colère en voyant ces machines endiablées 
détruire tout sur leur passage il ne pouvait contenir ses larmes à voir ce massacre et en voyant de grands genêts détruits,
si Belhabaji Larbi est inquiet comme beaucoup d'autres nomades de la probable destruction des sols qui sont d'éxéllents
pacages dans ces dhayat et qui ne devraient jamais être labourés  ce qui pourrait avoir un effet devastateur sur la flore
Saharienne la seule capable à freiner l'avancée des sables, il était aussi inquiet pour son maigre cheptel dont dépend sa
sa survie et celle de sa famille avec cette destruction des sols ,  trouvant une oreille attentive Si Larbi décida de m'acco-
-mpagner jusqu'à des gour inconnus pour moi et qu'il connaissait très bien, une pluie  bienfaisante était tombée quinze jours auparavant sur les lieux où je viens souvent, sur une petite marre à sec a pris forme une végétation luxuriante, je  gouttais avec déliceces instants magiques, ce Sahara était tout à moi, bonheur égoïste diront beaucoup tant pis c’est de cette façon que j’aime mon désert, je gambadais longtemps insouciant à travers des ensembles dunaires, quelques dunes avaient des couleurs dorées d’autres rougeâtres, sur leur surface le vent a laissé de menues plissures, elles semblaient même chavirer ce qui leur donnait  un aspect marin
 
Sitôt notre thé pris goulument, si Larbi semblait emporter dans un autre monde, ici m'apprit-il, il y avait pleins de gazelles, je venais
souvent chasser avec mon père non par plaisir comme c'est le cas aujourd'hui, il contenait difficilement ses larmes en voyant la faune
et la flore décimées, de temps à autre il me racontait les épopées glorieuses de nos aîeux 
Je poussais encore vers le sud, les véhicules se faisaient de plus en plus rares sinon quelques intrus à savoir des camions de grand tonnage,
un énorme troupeau de dromadaires me barra la route, je descendis pour contempler le spectacle, il était conduit par un petit garçon qui
devait avoir seulement 15 ans , je l’appelais, rapides furent les présentations , il était issu de la tribu des Jramna à vrai dire j’étais charmé
de rencontrer un descendant de cette tribu guerrière et fière, tribu qui est venue à bout du lieutenant Weinbrenner

Le jeune garçon était à court d’eau et me demandait si j’avais de l’eau, je lui remplis sa gourde et lui remis les quelques gâteaux qui me
restaient, il avait un air fier mêlé d'une infinie douceur et dont l'image restera à jamais gravée dans ma mémoire
Étrange apparition que celle de ce « petit prince » dans cet immense décor de sable, ses dromadaires étaient assez loins aussi prit il congé

de moi, je restais un long moment à suivre sa silhouette jusqu’à ce qu’elle ne devienne qu’une petite tache dans cet océan houleux de dunes

 Je profite pour vous relater l'affaire du lieutenant Weinbrenner qui a  fait couler beaucoups d'encre:
 Le lieutenant Weinbrenner avait été chargé d’arrêter deux « indigènes » dangereux, partisans
 du cheikh Bouamama et de faire  prendre la tente du mokadem Tayeb Ben Jarmani.
 Il partit le 20 avril de Geryville  aujourd’hui El bayadh, escorté de trois spahis et d’un maréchal
 des logis . Il se rendit le 21 avril 1881 au douar des Djramna des ouled Ziad cheragua au lieu dit
 R'heb dans la commune de Rogassa ( El bayadh) où il fut rejoint par le caid des ouled ziad cheraga,
 par son califat, son chaouch et un quatrième indigène.
 Ils dinèrent et couchèrent au douar.
 Le lendemain le lieutenant avait ordonné de prendre la tente du mokadem Jermani mais les gens
du douar refusèrent, le lieutenant 
enjoignit aux spahis de passer outre. Feignant de se soumettre , les gens du douar offrirent des dattes au lieutenant commandant et aux
cavaliers de l’escorte et les invitèrent à descendre de cheval ce qu’ils acceptèrent 
Pendant qu’on tenait les chevaux les gens du douar se précipitèrent et  tuèrent le lieutenant et deux spahis, le khalifat du caid fût blésé
grièvement. Cette affaire retentit fortement dans les milieux de loccupant, aussi fut entreprise une chasse à l’homme, les jramana se 
dispersèrent par petits groupes dans l’immense Sahara quelques uns poussèrent jusqu’à Ghadames en Libye et sont présents jusqu’à
nos jours. Depuis ce temps cette tribu a gardé ce cachet rebelle et fier
De retour avec si larbi nous visitâmes la kouba de sidi Bouzidi nous récitâmes quelques versets du saint coran à la mémoire des morts,
une paix profonde étreignit mon âme en quittant ces lieux inondés par les dernières lueurs du soleil couchant, je déposais Si Larbi non
loin de sa kheima (tente arabe), longtemps je suivis sa frêle silhouette au milieu de ce décor âpre et sans limites.
 
                                                                                                Par Noureddine Toumi
                                                                                                                         le jeudi 15 septembre 2O16
 
                                                 NB/ La photo de si Larbi a été primée dans un site Allemand dédié à la photographie
 
 
 

                                       
                                                     Nota: j'ai jugé utile d'associer à cette rubrique la chanson "RAH EL BAYDHA" du poête de notre région Mohamed Belkheir
                                                     où il implorait Dieu et le saint sid Cheikh de le délivrer des mains de ses opprésseurs, il fut emprisonner à Calvi en Corse
                                                     pendant neuf ans
                                                     ci dessous un passage de ce poème:                                          
                                             

     (…)
     A Calvi exilé,
     Quand agiras-tu Créateur,
     Sauveur des naufragés entre deux océans ?
     J’étouffe et veux fuir du pays des roumis chez les musulmans.
     Les hommes d’épée et moi-même défendons l’exilé.

     Je te sollicité, o Dieu, délivre-nous à l’instant de l’oppression…
     Maître ne me laisse pas, sois ému par l’exilé aux cheveux blancs ;
     ne m’abandonne pas à l’ennemi ;
     protège-moi, garde-moi arabe.

     (…)
     Maître ! en ce pays d’exil
     j’étouffe et perds patience ;
     de moi, sans raison, tu t’éloignes,
     ni vengeur, ni sensible aux reproches.

     Si nous sommes encore amis,
     viens comme naguère, jaloux me défendre.
     Epuise pour moi ta jument,
     suis les traces de l’honneur.

     Tes enfants, groupe de cavaliers,
     montant des étalons choisis, surgissent des crêtes.
     Sois loué, Dieu !
     Ici la vie est dure,et des mers aux montagnes d’eau,
     Inaccessibles : l’une disparaît, l’autre émerge,
     secouées par les bateaux.

      Dieu ! Libère le prisonnier du roumi en armes,
      par la grâce du Prophète et des compagnons,
      par la grâce de l’Imam prédicant, maître du grand jihad.     

                            Par: Boualem Bessaih         

                                                                              

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                                                           le présent album comporte 74 photos     
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                                                                                Photos au format Ultra Grand Angle

                                                               

                                                                                                                                                                                   

 

 

 

 

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Commentaires (6)

Georges sur: SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 1. Georges sur: SUR LA ROUTE DES SAINTS | dimanche, 18 septembre 2016
j’ai fait un beau pèlerinage en visualisant grâce à vous avec de très jolis paysages comme d’habitude
mais j’ai eu le plaisir de voir la photo du nomade véritable représentant des bédouins quel beau visage buriné par le soleil du
sahara , la photo en couleur du petit prince est très bien mais je préfère celle en noir et blanc elle est plus réaliste elle est
criante de vérité , on devine que ce jeune homme a quelques choses à dire son visage est expressif. merci pour cette belle
ballade.comment vont vos enfants Bahidja et Karim?
amitiés
georges
Jean.P - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 2. Jean.P - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS | samedi, 17 septembre 2016
Merci de ce beau et bon partage de votre "pèlerinage" sur la route des saints de la région, avec la rencontre de "Si-Larbi" et du "petit prince" déjà responsable, si jeune, d'un grand troupeau de chameaux. C'est beau!
Espérons que les cités urbaines, en pleine extension ne mangent pas trop de désert, et surtout le respectent en évitant de le polluer! Ajouter à cela les prédateurs de la faune, sans vergogne....
Bonne continuation de vos escapades, qui toujours nous émerveillent!
Bien amicalement.
Jean.
Bruno -  Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 3. Bruno - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS | samedi, 17 septembre 2016
Merci pour ces vues et les visages si personnels et pour ce que vous expliquez,présentez de ces lieux.Il est difficile que la"Civilisation"? avec sa technique n'éteigne pas l'âme de ces lieux..et leur vie.Si Beaux visages de Si Larbi et du "petit Prince"..Espérons
Noureddine (webmestre Nostalgie) -  Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 4. Noureddine (webmestre Nostalgie) - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS | vendredi, 16 septembre 2016
@Danièle: merci pour votre passage
@Mijo
Je pense sincerement que la messe est dite à moins d'un miracle divin, j'ai bien éssayé par des sondages , rares les échos que je recevais
J'ose esperer n'être plus de ce monde quand ces lieux tant aimés seront détruits, leur disparition c'est en quelque sorte la mienne aussi
Ah le petit prince et le cheikh m'ont beaucoup marqué
Merci l'amie
Mijo -  Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 5. Mijo - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS (site web) | vendredi, 16 septembre 2016
Bonjour Nourredine,
J'ai lu ce que vous racontez au sujet de la destruction de ces lieux mythiques. C'est désolant. Comment peux-t'on abimer ainsi ce qui a toujours existé ?
J'ai bien aimé vos photos, en particulier le petit Prince et le Cheik.
Continuez, peut-être pourrez-vous réussir à faire bouger les choses dans le bon sens.... :o)
Amicalement,
Mijo
Danièle -  Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS
  • 6. Danièle - Sur : SUR LA ROUTE DES SAINTS | vendredi, 16 septembre 2016
Un seul mot: SUBLIME!

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