ISABELLE EBERHARDT
ISABELLE EBERHARDT
BIOGRAPHIE
Fille d'aristocrates russes exilés, née à Genève en 1877, Isabelle Eberhardt, grandit dans une famille recomposée , cosmopolite,
peu conformiste, libertaire, avec trois demi-frères, dans un environnement multiculturel et intellectuel qui développe chez
elle une intarissable soif de découverte, une passion pour le monde arabe et l'Islam, encouragée par son «père » Alexandre Trophimowsky, arménien,
philosophe, polyglotte. Elle apprend le Français, l'Allemand, le Russe, le Latin, l'Italien, un peu d'Anglais et l'Arabe. Elle entend parler pour la première
ois de l'Algérie par ses demis-frères engagés dans la légionmilitaire. Quand, à 20 ans, elle accompagne sa mère souhaitant se rapprocher de l'un de ses fils,
lle découvre un pays, une culture, une religion qui vont l'imprégner totalement.
Elle est fascinée par l'Islam et va recevoir la révélation comme une explosion en elle.« Je sentis une exaltation sans nom emporter mon âme vers les régions
ignorées de l'extase ».
Elle trouve son inspiration dans les médersas et les mosquées.
Elle revendique seulement la liberté de se convertir à l'islam, d'aimer un peuple et un pays -l'Algérie - d'y vivre fièrement :
«Nomade j'étais, quand toute petite je rêvais en regardant les routes, nomade je resterais toute ma vie, amoureuse des horizons changeants, des lointains encore
inexplorés.»Isabelle Eberhardt.
Convertie à l'Islam, c'est déguisé en homme, drapée dans les plis de son burnous, bottée en cavalier filali, qu'Isabelle Iberhardt va parcourir les immenses étendues
sahariennes, à la manière des soldats bédouins , en route pour le sud constantinois.
«A la place parlait et vivait un jeune musulman, un étudiant allant à la découverte de l'Islam.
Isabelle était devenue Mahmoud Saadi. Dans sa vie et dans ses récits ce sera dorénavant ce nom qu'elle utilisera,le nom d'un jeune taleb voyageant pour s'instruire et
ui parfois, d'un geste brusque, repoussait son guennour en arrière, découvrant un crane carré tout bosselé et qu'elle faisait raser à la mode orientale ».
L'amour et le soufisme
Isabelle Eberhardt va faire une expérience intérieure dans la "zaouïa" de Kenadsa, confrérie où elle est reçue en tant que "taleb", c'est-à-dire étudiant, plus précisément
"demandeur de savoir " ou "voyageur en quête de sens". Elle va y trouver ce vieil islam qui la fascine et qui va la conduire vers une forme de dépouillement et de contemplation.
« Etre sain de corps, pur de toute souillure , après de grands bains d'eau fraîche, être simple et croire, n'avoir jamais douté, n'avoir jamais à lutter contre soi-même, attendre sans
crainte et sans impatience l'heure inévitable de l'éternité… » !
En quittant Genève et en s'enfonçant de plus en plus au coeur du Sahara, Isabelle Eberhardt, née de père inconnu, déclarée « illégitime » à la naissance, va rompre définitivement
avec l'Occident matérialiste et colonisateur.
Elle vadécouvrir ces peuples du Sud qui seront les héros de ses écrits. Au contact de la population indigène, elle observe les gens, pose sur eux un regard d'une intense acuité, sans
exotisme.
Elle trouvera la réponse à sa problématique socio-psychique dans la culture et la religion musulmane.
Ces musulmans- indigènes, Isabelle Eberhardt va non seulement prendre fait et cause pour eux contre les colonisateurs, mais elle va également les rejoindre dans son engagement
spirituel. Ces êtres rejetés par la société colonisatrice, elle les suit dans leur vie, dans leur destin vers la mort, dans leur chemin vers Dieu.
Elle sillonne l'Algérie du Nord au Sud, d'Est en Ouest mais c'est à El Oued –dans le Sud- qu' Isabelle revient, rencontre Slimène Ehnni, l'homme de sa vie, un jeune «soldat indigène»
de l'armée française en Afrique du Nord, s'y installe, se marie avec la Fatiha seulement, selon le rite musulman. L'union de l'Européenne et du spahi indigène fait scandale.
L'armée française lui refuse le mariage civil, l'enjoignant de quitter l'Algérie, estimant que son mode de vie est un facteur de troubles, ses fréquentations de zaouïas suscitaient la
méfiance des colonisateurs français ! Exilée à Marseille pendant un an, elle obtient enfin l'autorisation d'épouser civilement en octobre 1901, Slimène, grand, visage fin, teint sombre,
une famille de spahis engagés depuis trois générations, le Français étant sa langue autant que l'Arabe. Isabelle d'origine russe, obtient la nationalité française et le couple rejoint
l'Algérie en 1902.
Le repos au cimetière de Aïn Sefra
Calomniée, espionnée, raillée par les colons « l'étrangère, la scandaleuse», des jours, des nuits, guettant le retour de Slimène retenu à la caserne- des permissions rares- une promotion
qui s'envole- un solde dérisoire, un semblant de toit- un gourbi à Ain-Sefra, une volonté farouche ... ! Pour son spahi, la nomade met le pied à terre, s'assagit. finies les grandes chevauchées -Mahmoud Saadi redeviendra Isabelle, habillée, vivant comme les femmes du Sud.
«... Peu importeraient la misère, réelle maintenant, et la vie cloîtrée parmi les femmes arabes... Bénie serait même la dépendance absolue où je me trouve désormais vis-à-vis de Slimène -
qu'elle appelle Rouh' - mon âme...Mais ce qui me torture et me rend la vie à peine supportable, c'est la séparation d'avec lui et l'amère tristesse de ne pouvoir le voir que rarement,
quelques instants furtifs.. ».
Slimène en permission, après une longue absence, le dernier jour passé ensemble. Aïn Safra fut en octobre 1904 le théâtre d'une grave inondation, la ville emportée. Isabelle, affaiblie par la maladie est retrouvée morte dans les ruines de sa maison. Trois années d'un amour incommensurable ! Enterrée selon le rituel musulman, au cimetière de Aïn Sefra,
sa tombe est jusqu'à nos jours visitée. Isabelle n'avait que 27 ans. De la mort, elle a écrit : " Tout le grand charme poignant de la vie vient peut-être de la certitude absolue de la mort.
Si les choses devaient durer, elles nous sembleraient indignes d'attachement.
De sa courte vie, elle en fit un long voyage « .. la fièvre d'errer me reprendra, que je m'en irai; oui, je sais que je suis
encore bien loin de la sagesse des fakirs et des anachorètes musulmans... Au fond, cela serait la fin souhaitable quand la
lassitude et le désenchantement viendront après des années- Finir dans la paix et le silence de quelque zaouïa du Sud,
finir en récitant des oraisons extatiques, sans désirs ni regrets, en face des horizons splendides... !» Slimène, très affecté
par la disparition, d'isabelle, ne lui survivra que trois ans.
Cent ans après sa mort, Isabelle Eberhardt reste un personnage fascinant. Une femme d'exception transcendée par une
religion « l'Islam : « Ainsi, nomade et sans autre patrie que l'Islam...
C'est bien la paix, le bonheur musulman- et qui sait ? peut-être bien la sagesse... »
L'oued Ain Sefra apres la crue de 1904 où fut emportée I.Eberhardt
ISABELLE EBERHARDT
OU LA QUETE DU SPIRITUEL
Les musulmans, Isabelle Eberhardt va non seulement prendre fait et cause pour eux contre les colonisateurs, mais elle va également les rejoindre dans son engagement spirituel. Elle va trouver dans le désert sa vérité, donner un sens
à sa vie.
Déjà dans les premiers mois de son périple, on sent qu'elle se laisse envahir , écrit Jean-René Huleu, par
"cette sensation d'isolement, d'immuabilité dans l'immensité du décor saharien", une atmosphère qui fait naître le rêve
"en une dispersion délicieuse de l'être".
A Kenadsa où Isabelle Eberhardt s'installe, on sent qu'elle perd peu à peu la notion de l'extérieur,
de l'agitation des passions, pour se laisser aller à l'immobilité ambiante: immobilité des choses
dans le désert où "tout est blanc et apaisé", mais aussi celle des gens aux gestes lents, graves et
silencieux.
Et sa quête d'elle-même va s'intensifier dans la chaleur du Sud saharien. Elle va recevoir la révél-
-ation de l'islam comme une explosion en elle : "Je sentis une exaltation sans nom emporter mon
âme vers les régions ignorées de l'extase". Elle est fascinée par l'islam et n'a de cesse d'approfondir
cette révélation jusqu'à s'engager dans un profond mysticisme. Isabelle Eberhardt va faire une
expérience intérieure dans la "zaouïa" de Kenadsa, confrérie où elle est reçue en tant que "taleb", c'est-à-dire étudiant,
plus précisément "demandeur de savoir " ou "voyageur en quête de sens".
Elle va y trouver ce vieil islam qui la fascine et qui va la conduire vers une forme de dépouillement et
de contemplation et même d'anéantissement qu'elle recherche. Jean-René Huleu nous explique :"L'apaisement des désirs,
la vie humble, le pèlerinage dans les profondeurs de l'être, la rapprochent de ce rêve d'islam pur, de vieil islam qu'elle
chérit depuis si longtemps". Isabelle Eberhardt elle-même a écrit : "Je goûtais dans l'âpreté splendide du décor, la
résignation, le rêve très vague, l'insouciance profonde des choses de la vie et de la mort".
Elle est certainement initiée par les plus inspirés des musulmans, les mystiques soufis qui ont dû lui montrer la voie
d'initiation à une mystique métaphysique et une méthode de réalisation spirituelle. Arrivé à ce niveau de connaissance
et de pratique religieuse, l'initié devient "marabout" et pour Isabelle Eberhardt la question maraboutique s'est certain-
-ement posée. Elle est devenue celle qui a certains pouvoirs surnaturels, celle qui fait des rêves prémonitoires,
des rêves d'anéantissement dans le "paradis des eaux".
Nous ne savons pas grand chose de cette expérience qu'elle gardait secrète, car sans doute n'a -t-elle pas eu le temps de
briser le silence sur ce qu'elle a vécu. Rappelons simplement qu'elle est morte à l'âge de vingt sept ans, emportée par un
oued en crue et qu'elle avait vécu, quelque temps auparavant, dans un moment de délire dû à la fièvre, l'anéantissement
de son corps dans les eaux et l'envol de son esprit.
Ain Sefra Crue de 1904 les premiers secours
Commentaires (20)
Isabelle Eberhardt a pris pour pseudo Mahmoud Saadi et ce après sa conversion à l’islam , si elle opta pour ce pseudo et ce costume masculin de cavalier arabe c’était surtout pour s'intégrer facilement dans les milieux maraboutiques ( zaouïas ) : milieux réservés comme vous le savez exclusivement aux hommes
C’est en Mahmoud Saadi aussi qu’elle peut entrer aussi dans les mosquées et recevoir par là même l’initiation de la confrérie des Kadiria
Ajouter à cela ce sentiment de vide chez elle lié à sa situation familiale: car déclarée à son enfance enfant illégitime , se considérant sans partie et sans véritables attaches elle se mit en quête d’une identité
Le pourquoi de ce pseudonyme de : " Mahmoud saadi" je suppose que c'est un pseudo fictif qu'elle s'est choisie elle même
Enfin c’est ce que j’ai pu comprendre à travers mes lectures
Dans l'histoire de Isabelle Eberhardt, on dit toujours qu'elle portait le pseudonyme de Mahmoud Saadi. Puis-je savoir pourquoi potait-elle ce nom ? et qui est Mahmoud Saadi ? Avec mes vifs remerciements.
J'ai été très touché par votre commentaire
Je suis intéressé par ce plant de topinambours pour pouvoir le tester chez nous ( El bayadh ) si les essais se sont avérés concluants pour Mecheria il en sera de même chez nous.
Merci
@Hassiba & Yur
amitiés
Mes amitiés . Yur .
Une chose, je trouve des fois difficulté pour acceder au site et je ne sais pas pourquoi.
merci infiniment et bonne journée
A lire et connaitre le déstin tragique et magnifique de cette personne hors du commun.
Pour celles et ceux qui s'intéressent à Isabelle Eberhardt ; je vous propose de visiter l'université d'Oran pour lire la thèse de Othmane BELMILOUD , intitulée : ( L'IMAGE DU SAHARA ALGERIEN , ENTRE ISABELLE EBERHARDT ET ETIENNE DINET )...c'est une étude comparée de haut niveau ,elle est à cheval entre l'arabe et le français ,puis elle est fort bien documentée , toutefois en se distinguant des autres études comparatives algériennes par sa comparaison entre la littérature et la peinture...bonne lecture les ami(e)s... n'oubliez pas de lire "les nouvelles" d'Eberhardt , puis "Khadra ,danseuse des ouled Nail" de Dinet et aussi de voir les "Tableaux de la vie arabe" de ce grand peintre...(c'est sur le net)...salut.
C'est par éxellence le pays des légendes
La région est tres belle pour les amoureux des étendues sauvages
Tout y est ; les gravures rupestres , les magnifiques mausolées avec leur eternel croissant en haut de la kouba ,un air saint et vivifiant bien sur tout ça hors du cadre des villes
Isabelle a bien délaissé sa vie bourgeoise en Europe et a trouvé un veritable apaisement et a retouvé ce qu'elle recherchait depuis tjrs en ces contrées oubliées.
Qu'elle repose en paix , sûr qu'elle doit etre au paradis dans une oasis adossée à un palmier
Chaque pierre, chaque arbre a une âme, une vie, une légende, une histoire.
Et des êtres hors du commun sont venus se joindre à cette nature et y laisser leurs empreintes.
Un jardin d'Eden que ta région Nourredine, les photos sont déjà empreintes d'une grande émotion, je me dis que la réalité sera encore plus forte.
Tu as fait de ce site, une histoire qui doit continuer à se propager dans le monde, afin de faire connaitre votre région qui a à se raconter.
La narration tu l'as commencée, et elle se continue sous la plume de ceux qui viennent se ressourcer dans ces lieux.
Merci d'être là Nourredine et je rends hommage au travail réalisé tant en histoire qu'en présentation graphique et direction artistique.
L'émotion transparait et ta sensibilité et ton amour pour ta région sont largement définis dans le contexte.
Merci encore Nourredine.
Fatiha
Quel destin tragique et surtout beau n'est-ce pas?
La région est tres belle et mérite d'etre visitée , chaque pierre , chaque arbre ont une légende,c'est beau croyez moi
Elle mérite d'être mise en avant, après avoir embrassé l'Islam et défendu l'Algérie.
J'ai lu tous ses livres (ceux que j'ai pu trouver) et j'espère un jour faire le voyage et aller me recueillir sur sa tombe et enrichir votre site.
Merci pour ce beau voyage que tu m'as offert à travers ton site et bravo pour ton travail.
J'ai rencontré des gens originaires depuis plusieurs générations de Ain-Sefra.Il m'ont montré la maison où elle est décédée, recevant la chute du mur à sa sortie.Trois mois auparavant elle habitait de l'autre côté de la rivière, le quartier ElKsar,dont le niveau du terrain était élevé, et c'est là apparement que sa maison était un gourbi.Mais la maison où elle est décédée se trouve en bas de la rivière c'est à dire le quartier européen.Juste à côté de l'Eglise.Nous ne savons pas si l'administration tenait des registres de tels évenements pour confirmer les dires transmis oralement.Mais je les ai trouvés logiques.
Docteur Kempf-Rochd