POEMES D'AMOUR II
MELHA
Mon frère 1, pourquoi ais je voyagé et attrapé le mal d’amour ?
J’attends d’être guéri de mes tourments , j’attends le repos.
Je l’aime palme élancée, souple.
Ami va voir Melha.
Dis à la belle aux doubles pendentifs
de raconter le jour où nous rompîmes le chapelet 2 ;
Marchant, attentive et majestueuse,
elle est sortie, bey sans gardes
abordant ses sujets sans crainte refusant la révérence 3.
Mohamed lui porte intérêt sans mal penser ,
Lui évite médisance et scandale.
Mon confident messager ira chez la belle ;
il me rapportera le signe secret 4.
Bonheur à qui fréquente les filles de tente.
L’éloquence honore la beauté.
Ne prête pas confiance à ce temps maudit,
Nombreux sont les mauvais.
Où donc est le trésor enfui dont je n’ai pas la clef ?
Point d’échelle pour y parvenir, ni d’ami pour m’y hausser ,
trésor que le maitre ingénieux et rusé
a clos d’enceintes inaccéssibles :
remparts, tours, pierres lourdes .Imprenable citadelle.
Ma passion est la chasse,
j’aime enlever l’or des puissants,
ravir le miel entre tigre et lion.
A cause d’elle je ne vois que jaloux.
Celui qui l’a enfermé déborde de colère
Contre le bey et Hamidi 5.Elle est lumière en ces jours de fête,
enviée par le renom de sa beauté.
Elle trébuche comme gagnée par le sommeil,
voluptueuse en un jour de joie.
Le soir elle moque le clair de lune
puis l’aube qui surgit.
Tes sourcils, les deux noun
décorant le haut d’une planche.
Ton œil furtif , fusil et chasseur ,
ne rate aucune cible.
Ta joue rose entre les fleurs écloses
dans la roseraie entre parfums et eaux .
Tes dents perles étincelant sur le rubis :
pour un baiser je donnerais cent chamelles.
Ton cou , étendard planté parmi les cavaliers
mêlés un jour de franc combat.
Ton sein, œuf de colombe dans une cage rouge
perchée dans un bois reposant
Ta jambe , épée précieuse ;
fortuné qui la possède.
L’anneau à la cheville fredonne
au creux de la nuit sans refrain.
Tambours et soldats ; l’un conduit ; l’autre chante 6 ,
ou nomades égarés dans le désert
fuyant la colère du sultan 7 .
O toi le magnanime , le Puissant ,
fais lui subir le mal que je supporte .
Que Melha soit à son tour tourmentée ,
que mon démon l’habite.
Mohamed Belkheir sait percevoir ,
et honorer le mim et le ha 8.
Mon cœur est lacéré sans couteau ,
vers Melha il vole sans ailes.
M’arrive ce qu’il advint à Imru’l-Qays 9
après lui point d’éloquence .
Dans cet océan profondeurs et abîmes ,
j’aurais sombré dans la clémence d’Allah.
Lui et les dévots m’ont épargné le naufrage :
sans avoir appris je sais lire .
1. Littéralement : « le fils de ma mère « , frère utérin
2. Le chapelet de prières , ce qi veut dire : le jour où nous nous sommes écartés des lois et de la religion.
3. Il s’agit d’une femme de condition sociale importante qui a daigné sz conduire simplement avec le poète
4. El-mara : le mot , l’objet , le signe demeuré secret entre elle et lui et qui , une fois révélé au poète par le
confident , authentifie le contenu du message.
5. Il s’agit d’un chef Turc du XIV siècle qui , après avoir pris son indépendance en fondant la lignée des
Hamid Aghlou , se rallia à l’empire ottoman.
Serait-ce un de ses descendants ?
6. Rappel des langues marches dans le sud durant lesquelles le cavalier , ou le chamelier , fredonne un refrain
à sa monture , pour bercer la marche et chasser l’ennui
7. Par deux fois dans ce poème , Belkheir fait allusion à un certain mécontentement vis-à-vis du sultan ,
indication politique intéressante car , plus au sud , ceux qui veulent échapper à son autorité peuvent rejoindre
des régions incontrôlées par le makhzen.
8. Mim et ha , première et dernière lettre du prénom de Melha
9. Imru’l-qays : un des sept grands poètes de période antéislamique
NB/ Kheïra - Fatna - Aïcha - Melha sont des prènoms de femmes de notre région
Commentaires (2)
Je lis et relis sans m'en lasser.
Merci Nourredine pour ces cadeaux magnifiques.