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EL GO
LA LEGENDE DE M'BARKA
BENT EL KHASS
Il y avait autrefois, disent les vieillards , plusieurs groupes de puits surl'Oued-Seggueu r ; il y en avait jusqu'au
pied des Areg ; mais ils ont tous été comblés pour rendre les approches du pays difficiles aux ennemis , Touareg ,
Chaamba , Douï-Meneï , en menace constante contre les populations qui l'habitaient.
Aujourd'hui , quand les ghedir sont secs , la première eau que l'on trouve en venant du Sud ,
est à Sid-el- Hadj-eddine ou à Brezina.
Rien dans le Sahara de plus grandiose que ces trois Gorr qui s'élèvent à pic, à soixante mètres
de haut, semblables aux ruines de quelques palais de géants.
L'œil est ébloui et la pensée reste confondue devant cet admirable phénomène géologique.
D'où viennent ces immenses cubes de terre rouge et solide ?
Les plaines sahariennes furent-elles autrefois à leur niveau et sont-ils là pour indiquer aux
hommes l'action lente du temps et des eaux ou la puissance de celui qui, dans un cataclysme ,
les maintient debout , quand tout s'affaisse autour d'eux ?
Un jour , peut-être , on trouvera la solution de ce problême , et ces incroyables formations
sahariennes seront expliquées.
M. Marès fit à ce sujet appel à toutes ses connaissances géologiques.
Pour moi , je me contentai d'admirer ce magnifique tableau de soleil couchant , un des plus
beaux qu'il m'eût encore été donné de voir.
On trouve sur le plus large de ces gorr, qui présente une surface plane d’environ cinquante hectares,
quelques vestiges de constructions et d'une citerne.
La tradition raconte qu'une femme des Beni-Amer, nommée Bent-el-Khas, l'habita pendant de longues années et s'y défendit
contre un sultan du Gbarb (de l'Ouest), dont elle ne voulait pas accepter l'amour.
Le sultan, ayant entouré la gara, espérait que la belle Amria, pressée par la soif, serait obligée de se soumettre ; mais, au
moment où il la croyait sans eau , il vit qu'on étendait au soleil , pour le faire sécher, beaucoup de linge mouillé.
Désespérant de réduire par la soif, le seul moyen sur lequel il comptait , des gens qui avaient assez d'eau pour laver leur
linge , il se retira.
La rusée fille des Beni-Amer avait employé les dernières gouttes d'eau qui restaient dans sa citerne et avait trompé ainsi
son galant persécuteur.
Bent-el-Khas a une large part dans la poésie saharienne ; son nom est populaire et il n'est pas un berger qui ne connaisse un
des faits, ou, pour mieux dire, un des bienfaits que la tradition lui attribue. Demandez qui a fait creuser les puits de Teldja ,
de Achia , de Zirara, de Tequir et tant d'autres qui sont dispersés dans les Areg et qui indiquent qu'autrefois une sollicitude
éclairée , une action puissante s'étendirent sur ce pays abandonné ; le berger ? tous répondront toujours : Bent-el-Khas.
Il n'en sait pas davantage. Si même on lui demande ce que c'est que Bent-el- Khas, il ne pourra pas le dire ; mais, c'est pour
lui un génie poétique qui remplit le Sahara et auquel sont dues les rares créations de l'homme dans ces brûlantes solitudes .
Si on interroge les tolba des Oulad-sidi-Chikh sur le compte de cette obscure et poétique femme qui domine la gara de Sid-el-Hadj-ed-Din , et dont la puissance semble avoir rayonné de là jusqu'au Gourara, préparant, par des travaux qui paraîtraient
presque impossibles aujourd'hu i, les haltes des caravanes , des pèlerins et des bergers , ils répondent par quelques vers dus
on ne sait à qui.
Ce poème, qui malheureusement n'existe dans leur mémoire que par fragments incomplets, raconte la vie de Embarka
bent-el-Khas.
Etant toute jeune encore, elle donna des preuves d'une intelligence supérieure. Quand son père voulut la marier, elle lui dit :
« Parmi tous ces jeunes chefs qui prétendent à ma main, je choisirai » celui qui saura égorger et découper un mouton. »
Il se présenta plusieurs prétendants qui coupèrent leur mouton comme on le coupait d’habitude , le plus proprement et
le plus élégamment possible. Elle les repoussa tous.
Enfin, en vint un qui mit les jambes avec le cœur, les genoux et les jarrets avec l'estomac , les yeux avec le foie. Embarka
l'accepta, et quand son père lui demanda l'explication de sa préférence, elle lui répondit : « Je l'accepte, parce que c'est le
seul qui ait détaillé le mouton d'une manière intelligente : il a mis le cœur avec les jambes , parce qu'elles ne vont que là où
il veut les conduire ; les genoux et les jarrets avec l'estomac, parce que c'est lui qui les fait agir ; enfin, les yeux avec le foie,
parce que c'est lui qui les fait pleurer. »
Elle dit ensuite à son père : « 0, mon seigneur , emmenez ce jeune homme, faites avec lui une longue promenade et
rapportez-moi exactement toutes ses paroles et toutes ses actions et que je le juge définitivement. »
EI-Khass et le jeune prétendant allèrent se promener. En passant devant un vieux tombeau, le jeune homme dit :
« 0 toi qui dors dans cette tombe, es-tu vivant ou mort ?
EI-Khass le regarda avec étonnement et leva les épaules.
Dans un douar où on leur offrit du cheniri , il prit le vase , but le premier et le donna ensuite à son compagnon.
Il n'est pas poli, pensa EI-Khas.
Dans un autre douar où on leur donna de l'eau, il l'offrit à son compagnon d'abord et but ensuite.
El-Khass se dit en lui-même qu'il était fou , ou , au moins , fort étourdi , puisque, en deux circonstances identiques ,
il agissait de deux manières différentes.
Quand il raconta à sa fille ce qui s'était passé, elle lui dit : «0 mon seigneur, vous pouvez ordonner qu'on prépare la noce ,
car tout ce qu'il a dit et fait dénote un grand sens , et je suis décidée à l'épouser. »
II a demandé à celui qui dormait dans la tombe , s'il était vivant ou mort ; c'est-à-dire si, par ses actions , il avait survécu
dans lamémoire des hommes ; car, il n'y a de réellement mort que celui sur lequel s'est étendu le voile de l'oubli. »
II a bu le premier quand on vous a présenté le Chenin, par déférence pour vous , afin de boire l'eau qui était dessus et de
vous laisser le lait caillé qui était au fond du vase. »
II vous a présenté, à vous, le premier, le vase qui contenait l'eau pour vous faire boire l'eau la plus claire et garder
pour lui l'eau trouble et mauvaise du fond. »
Embarka-bent-el-Khas se présente aussi comme Gérés avec une couronne d'épis dorés sur la tête : lorsqu'elle habitait la
Gara , les moissons jaunissaient l'Oued -Seggueur et la grande plaine de Oum- el-Mai. Les eaux de Aïn-el-Amora, source de l'abondance, située à quelques kilomètres à l'Ouest de Brezina, au pied des montagnes, et gardée par un ksar qu'habitaient
les Beni-Amer, y étaient conduites par un large canal et dispersées en abondantes irrigations.
Selon la tradition, les habitants de Ksar-el-Amora, pour envoyer le repas aux laboureurs ou aux moissonneurs quand ils
étaient aux champs le canal et l'eau y était assez abondante pour les porter jusqu'à Oum-e!-Maï.
Hélas ! aujourd'hui, Ksar-el-Amora est ruiné, sa source ne donne plus qu'un très-mince filet d'eau qui se perd à quelques pas ,
et la sauvage végétation saharienne a remplacé dans Oum-el-Mai et dans les plaines de Segguer, les épis que la poétique fille des Beni-Amer y sema la première.
Gorr : Ce sont des sortes de mamelons qui s’élèvent à pic dans les plaines sahariennes et sur le sommet désquels s’élève un plateau.
regardez en haut et a droite l'aspect de ce pic forment deux silhouettes humaines qui se tendent la main ...la nature est aussi pour la paix n'est ce pas nouredine?