LE MIRACULE
Le miraculé du désert de Brezina
Un jeune homme de 26 ans, natif d’Adrar est plein de dynamisme, regorgeant de vitalité et d’énergie, une énergie qui fait de lui un véritable fonçeur qui n’hésite pas à braver tous les dangers.
Mais cette fois-ci, son intrépidité a failli le conduire à sa perte et ses rires auraient pu ne plus se faire entendre dans le domicile familial. Son père, commerçant de son état, homme pieux avait auparavant loué ses véhicules de type 4x4 à une compagnie pétrolière qui opérait dans la wilaya d’El-Bayadh, plus précisément dans la daïra de Brezina. Le père avait demandé à son fils de charger six pneus neufs pour les déposer ensuite au siège de la compagnie. Le trajet entre Adrar et El- Bayadh se fit sans encombres et aucune panne ne fut enregistrée. Aussi, notre jeune homme décide de continuer sa route qui le conduit à Brezina, une ville connue pour ses sites, la splendeur de son paysage, mais aussi pour sa vaste étendue désertique. 150 km séparent Brezina du siège de la compagnie. 150 km de piste, à travers des dunes de sable qui s’agitent au moindre souffle d’air et qui demeurent d’ailleurs la grande et terrible menace qui pèse sur les éventuels passagers. Après avoir parcouru 90 km de tôle -endulée, notre conducteur subit une première crevaison, puis une deuxième jusqu’à l’immobilisation complète du véhicule. Le jeune homme essaie tant bien que mal de rouler sur les jantes mais finit, après quelques mètres, à renoncer. Le véhicule n’avançait plus et s’enlisait dans le sable fin. Rien à faire. Après plusieurs tentatives, qui demeurèrent vaines, il décide d’abandonner le véhicule et de continuer à pied. Pensant arriver rapidement, B. A., n’avait pas songé un seul instant à s’approvisionner. Pas de nourriture, pas d’eau. Rien ! L’endroit où il se trouve s’appelle «Gour El Jamel». Notre jeune homme inspecte rapidement le 4x4. Pas la moindre trace d’un quignon de pain, pas la moindre goutte d’eau. Certes, une bouteille en plastique gisait là dans le coffre mais malheureusement vide. Pas de chance pour notre égaré. Mesurant le pour et le contre, ses chances de réussite, son échec synonyme de mort, B. A. opte de continuer à pied. Une décision lourde de conséquence. Mais que faire quand on se trouve en plein désert ingrat qui ignore la douceur et la clémence, les cris, l’imploration, le désespoir. Autant partir au quitte ou double. Quand on n’a guère le choix, et seul dans cette immensité, on ne peut que se résigner et prier, prier pour sortir indemne de cette terrible mésaventure qui risquerait de tourner au drame. Beaucoup de questions trottent dans sa tête, beaucoup d’images, beaucoup de souvenirs qui risqueraient de s’estomper à jamais. On y pense. On revoit ses proches, ses parents, ses amis, les rues où on a grandi puis comme sorti d’un rêve, c’est le vide implacable qui vous guette au moindre faux pas. Là-bas, au loin, c’est l’horizon, un horizon de dunes de sable, un ciel d’un bleu azuré. Puis la peur, la crainte s’installent progressivement et notre jeune homme ne veut pas mourir et ne veut pas abandonner la partie. Il tient trop à la vie. Dans son excès de précipitation, il a oublié de se saisir de la bouteille vide bien entendu. Il part sans rien emporter parce que tout simplement, il n’y avait rien à prendre. Sans boussole, sans carte, sans aucune connaissance du terrain, notre jeune homme entame la marche. Il choisit un itinéraire au hasard en se fiant peut-être à sa bonne étoile.
Premier jour de marche. Rien. A la tombée de la nuit, il décide de s’arrêter pour camper ou du moins pour s’allonger sur le sable. Le froid se fait cruellement sentir et Ahmed se blottit, se réchauffe comme il peut. Même pas un briquet ou des allumettes pour allumer un feu. J’allais dire amulettes. Oui, il en aurait eu bien besoin dans cette obscurité.
Deuxième jour. A l’aube, B. A. décide de reprendre la marche. Une marche obstinée et une volonté qui ne le fait pas reculer. Soulignons qu’il est jeune. Rien à se mettre sous la dent. Même, les insectes se font rares et se cachent. Si la nuit, B. A. grelotte de froid, dans la journée il subit inlassablement les dards du soleil. De nouveau, la nuit, arrêt obligé et froid.
Troisième jour. Dès les premières lueurs, B. A. attaque sans broncher sa marche. Il faut des heures pour franchir ces dunes colossales. Pour éviter la déshydratation, il dut boire sa propre urine recueillie au fond du bidon. Vaut mieux cela que la soif ; car la déshydratation est une motivation incroyable. A Adrar, le père qui avait téléphoné à la compagnie pour savoir si son fils était arrivé à destination, apprend que ce dernier ne s’est pas présenté et que peut-être un oued lui avait barré la route mais à bord d’une «station 4x4» le passer ne représente pas une grosse difficulté. Aussitôt, il décide de se lancer à la recherche de son fils. Il prend contact avec des proches à Ménéa et à Ouargla et une fois à Brezina, ils conviennent de ce qu’ils devaient faire car la vie de notre aventurier était sérieusement menacée.
4e jour. La fatigue commence à prendre le dessus. La faim le tenaille et le désespoir et l’incertitude commencent à le gagner. Il ne sait pas combien de kilomètres il a parcourus, où il se trouve, que deviendra-t-il ? Est-ce que sa famille est alertée ? Beaucoup de questions trottent dans sa tête. De l’autre côté, le cortège s’affaire et on part sans tarder à la recherche de notre jeune homme dont on ne donne pas cher de sa vie au cœur de ce Sahara où l’individu est soumis à rude épreuve. On pense le retrouver mort, gisant sur une dune. Mais tant qu’on n’a rien trouvé, on continue. Un médecin de la société pétrolière les accompagne au cas où...
5e jour. Jour de délivrance. B. A. est faible, très faible, il n’a rien mangé depuis plus de quatre jours, et son urine commence à manquer. Il titube, se lève puis essaie de se forcer à marcher, car pour lui, c’est l’unique espoir. Après avoir erré, il perd connaissance et s’allonge, car le désert a sapé ses forces. Le groupe des sauveteurs piste sa trace mais avec les vents de sable fréquents dans la région, la tâche n’est guère facile. Mais l’acharnement du père s’avère payant. Aux alentours de 14h30 de on aperçoit un corps gisant sur le sable. Est-ce lui, ou quelqu’un d’autre ? Les cœurs battent de plus en plus fort et les regards se figent et on accourt vers ce lieu. C’est notre égaré, vivant mais très affaibli. Quelques gouttelettes d’eau sont posées délicatement sur ses lèvres desséchées par un soleil impitoyable. Il est rapidement conduit au siège de la compagnie où on lui prodigue les premiers soins. On lui donne des pommes, des dattes et du thé afin de reprendre des forces. Notre bonhomme avait parcouru 360 km, à travers cet amas de sable. Les dangers, il avait aperçu les traces de couleuvres, de chacals, mais ne les a pas vus. Aujourd’hui, il est rentré à Adrar retrouver les siens qui avaient craint le pire. Sortir indemne des affres de ce désert, de cette tourmente, relève du miracle.
El Hachemi S.
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Alhamdou li allah !